Pour le premier numéro, vous avez été nombreux à réagir… viscéralement ! Sur la mise en page, vous nous avez doctement fait remarquer qu’elle était trop espacée – trop serrée, trop sérieuse – pas assez, les caractères trop petits – trop grands… Aussi, en bons prochoix que nous sommes, nous avons choisi de n’en faire qu’à notre tête en nous rassurant d’un « le journal interpelle, c’est l’essentiel ! »
Et puis sur le fond, les réactions furent globalement agréables. Vous avez été beaucoup à comprendre qu’être prochoix était l’occasion d’un élargissement du combat féministe antifasciste, le moyen de faire progresser l’idée d’une gauche ambitieuse tout en contrant les provie sur tous les terrains. Pas seulement sur l’avortement et la contraception, mais aussi sur les PMA, le droit de choisir sa sexualité, son pays, son mode de procréation, son environnement, sa mort, ses conditions de travail.
Moins agréables ont été les réactions frileuses de personnes -pourtant socialement désignées comme intéressées aux réalités sociales- et qui nous ont rabâché des arguments pour tout dire assez décevants.
Mais avant toute chose, nous profitons de ce moment pour rappeler que ce journal s’appelle Prochoix et non pas Provie comme l’affirment nos critiques les plus zélés. Ceci mis au point, la première remontrance fut de nous reprocher de nous construire en réaction aux provie. Plutôt amusant quand l’un des objectifs principaux du journal est d’encourager la redéfinition de la Gauche vers une adhésion indéfectible et intransigeante au plus ambitieux des droits : celui de choisir sa vie Mais peut-être ne faut-il pas chercher à être meilleurs sous prétexte que nos adversaires sont des salauds ? Et peut-être aussi ne faut-il pas les combattre ? Signalons au passage que depuis Don Quichotte et ses moulins à vent, il est d’usage, lors d’une confrontation, de livrer bataille sur le même terrain que ses adversaires… La seconde critique consiste à nous soupçonner d’avoir inventé le terme prochoix pour se calquer sur les Américains. Une brillante analyse qui fera sans soute sourire de nombreuses associations de Clermont-Ferrand, de Lyon et d’ailleurs… constituées en collectif pour le droit de choisir depuis le début des années 90 ! Sans parler de Choisir de Gisèle Halimi qui date tout de même des années 70… N’en déplaise à certain(e)s, des comités et militants prochoix existent bel et bien en France. D’ailleurs les contraindre à changer de nom (et une insistante pression cherche à les y encourager), n’y changera rien. L’éventail de leurs luttes montre bien que leur militantisme ne concerne pas seulement les femmes ou l’avortement, mais la société toute entière. Quant à la hantise de faire comme ces « sales ricains », faisons juste remarquer que nous avons effectivement deux ou trois choses à leur envier. Non pas leur libéralisme sauvage mais sûrement leurs études féministes et la force de leur mouvement prochoix : une quarantaine d’associations nationales qui ont su placer les préoccupations tant féministes qu’homosexuelles et anti-ordre naturel au centre des préoccupations politiques. Enfin, et pour éviter tout malentendu, nous tenons à préciser que Prochoix ne se sent en aucun cas dépositaire du mouvement pour le droit de choisir en France. D’ailleurs nous ne sommes ni un groupe ni même un collectif mais le simple lieu d’expression d’une réalité sociale à la disposition de tout militant, citoyen, élu ou journaliste désireux de se renseigner sur l’obscurité des provie et la lumière des prochoix.
Caroline Fourest & Fiammetta Venner
Paru dans ProChoix n°2 (janvier 1998)
lundi 12 janvier 1998