Rapport officieux sur l’Algérie. A l’intention du Cedaw

Introduction

Les femmes algériennes sont confrontées à de nombreux obstacles qui freinent la réalisation des objectifs de la Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination, c’est-à-dire le plein exercice et la jouissance de l’ensemble des droits humains par les femmes, sur la base de l’égalité. Ce rapport officieux se concentre sur l’un des obstacles majeurs à l’égalité et à l’avancement de la femme: la montée et la menace actuelles d’un fondamentalisme religieux, violent et politisé et son projet d’imposer sa vision particulière de l’Islam par la ‘théocratisation’ de l’État et/ou par la violence et la terreur. Depuis presque trois décennies, les femmes ont été une cible privilégiée de la violence et de l’oppression fondamentaliste; depuis quelques années, les attaques fondamentalistes sont assimilables à des crimes de guerre et à des crimes contre l’humanité dirigés contre les femmes et la population civile.

Les deux organisation suivantes: International Women’s Human Rights Law Clinic (IWHR) et Women Living Under Muslim Laws (WLUML) se sont rapprochées pour soumettre ce rapport officieux. IWHR a préparé ce rapport en se fondant d’une part sur son expérience du conseil juridique pour neuf plaignantes et pour une organisation des droits de la femme, le Rassemblement Algérien des Femmes Démocrates, impliquée dans des poursuites ‘contre un dirigeant du Front Islamique du Salut (FIS)’ pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et esclavage sexuel. IWHR se fonde également sur les études qu’elle a effectuées et la défense des droits de la femme dans le cadre de cette convention et d’autres forums relatifs aux droits de l’homme. WLUML a contribué à la préparation de ce rapport en se fondant d’une part sur son expérience de réseau international de soutien et de solidarité reliant les femmes qui luttent contre les forces fondamentalistes en Algérie et dans de nombreuses autres sociétés, qu’elles soient musulmanes ou non, et d’autre part sur les études qu’elle a réalisées et sur la défense des droits de la femme dans différentes communautés musulmanes du monde.

Reconnaissant que l’objectif des rapports des Etats officiels dans le cadre de la Convention concerne la cohérence des lois et politiques publiques par rapport à la Convention, il est néanmoins essentiel que le Comité examine soigneusement les éléments qui représentent actuellement un obstacle ou une difficulté significative à laquelle il faut répondre pour tenir la promesse de la Convention. La Convention des Femmes, et en particulier les articles 1, 2(e) (f) et (g), 3 et 5(a), est la seule à porter minutieusement attention aux sources privées ou non officielles de discrimination. De plus, selon l’article 18, les rapports ‘peuvent indiquer les facteurs et difficultés affectant la manière dont les obligations prévues par la présente Convention sont remplies.’ Dans le cas de l’Algérie, l’insurrection fondamentaliste, qui vise à la mise en oeuvre et à l’institutionnalisation d’une discrimination extrême à l’égard les femmes, pour mettre en place une forme d’apartheid des sexes, représente l’une des plus grandes ‘difficultés affectant la manière dont les obligations’ de l’égalité des sexes sont remplies.

Étant donné sa mission particulière de protection et d’avancement des droits de la femme, il est particulièrement urgent que ce Comité examine l’impact de l’insurrection fondamentaliste. Du fait de l’approche traditionnelle de la communauté internationale des droits de l’homme, qui se caractérise par sa résistance au changement et sa concentration sur l’État et de sa tendance (au moins jusqu’à ce que les Talibans prennent le pouvoir en Afghanistan) à considérer les violations des droits des femmes comme un domaine purement ‘privé’ ou ‘culturel’, la communauté internationale a largement ignoré la campagne de violences et d’atrocités menée par les fondamentalistes. Ainsi, même s’il est largement admis que les rebelles fondamentalistes ont commis l’écrasante majorité des atrocités contre la population civile, en particulier contre les femmes, l’attention s’est portée presque exclusivement sur le nombre plus limité de violations, tout aussi graves, commises par l’État contre les insurgés fondamentalistes. Malheureusement, ce manque d’équilibre a affaibli les forces féministes et démocratiques de la société algérienne et a relégué les attaques contre les femmes au second plan. Comme le reconnaît le rapport du Secrétaire général sur les normes humanitaires minimales soumis le 5 janvier 1998 en vertu de la résolution 1997/21 de la Commission sur les Droits de l’Homme, ‘ce sont souvent les situations de violence interne qui posent la plus grande menace à la dignité humaine et à la liberté’ et ‘en cas de violence interne, il est également important de s’intéresser au comportement des groupes armés non étatiques’ E/CN.4/1998/87, paragraphe 8,9.

Ce rapport officieux rappellera l’histoire de la montée du mouvement fondamentaliste, son idéologie et l’escalade de ses attaques contre les femmes. Il identifiera également la manière dont l’État s’est accommodé de ce programme, l’a intégré et y a réagi et examinera son impact sur l’égalité des femmes. De plus, le Rapport établira des recommandations à l’attention du Comité dans ce propos.

Résumé

Le mouvement fondamentaliste en Algérie est actif depuis au moins les années 70. Durant les années 70 et 80, les fondamentalistes se sont organisés politiquement, tout en recourant à la violence pour imposer leur programme. Ils se sont en particulier attaqués aux activistes féministes, aux étudiantes, aux femmes ouvrières dans les usines d’Etat et aux célibataires vivant sans membre de sexe masculin de leur famille qualifié par la loi de gardien (Wali). À la fin des années 80, les attaques incendiaires contre les femmes célibataires ont causé la mort d’un enfant. En 1984, les fondamentalistes ont marqué un point politique substantiel en forçant l’État à adopter un code de la famille extrêmement réactionnaire, qui pour l’essentiel traite les femmes comme des mineures.2 En 1989, à la suite des grandes manifestations populaires contre le gouvernement de parti unique soutenu par les militaires, ils ont obtenu un amendement de la Constitution permettant la formation de partis politiques. Les fondamentalistes se sont unifiés alors pour former le parti du Front Islamique du Salut (FIS). Le FIS disposait d’une branche armée connue sous le nom d’AIS. Les meneurs du FIS ont, dès le départ, déclaré leur opposition à la démocratie et affirmé leur idéologie de ségrégation sexuelle. La violence politique fondamentaliste contre les femmes s’est poursuivie et s’est amplifiée après la formation du FIS.

Aux élections municipales de juin 1990, le FIS a remporté un grand nombre de municipalités. Pendant son exercice officiel du pouvoir jusqu’au début 1992, le FIS a cherché à imposer une discrimination assimilable à un apartheid des sexes tant par des moyens légaux que par la menace de la force. Le parti a notamment décrété la séparation des garçons et des filles à l’école, des hommes et des femmes dans les bus et sur certains lieux de travail. Après l’annulation du second tour des élections législatives de décembre 1991,3 la violence à l’égard des femmes et d’autres civils s’est gravement exacerbée. L’État a interdit le FIS et les fondamentalistes ont formé de nouveaux groupes armés, dont le Groupe Islamique Armé (GIA), qui s’est attaqué systématiquement aux civils dans une logique de guerre, et en particulier aux femmes s’écartant des rôles qui leur sont imposés.

Le premier groupe de civils assassinés, violés et torturés par les groupes armés furent les parentes des membres des forces de la sécurité, de la police et du gouvernement. En 1993, les fondamentalistes ont commencé à assassiner et à menacer les féministes, les journalistes, les artistes, les étrangers, les intellectuels et autres professions libérales, ainsi que tout membre en vue de la société civile qui représentait une vision ne correspondant pas à l’idéologie du FIS. La grande majorité de ces victimes n’avait aucun lien avec le gouvernement et de fait, nombres d’entre elles étant en réalité des opposants connus de l’État. Les dirigeantes féministes furent personnellement menacées; l’une d’elles fut tuée et les autres furent forcées de vivre cachées ou en exil. Les groupes armés enlevaient régulièrement des jeunes femmes dans la rue, dans les quartiers ou même chez elles pour les enfermer dans des camps comme esclaves sexuelles et domestiques (sous le nom de mariages mutaa). Les fondamentalistes publiaient des communiqués promettant la mort aux femmes n’obéissant pas à leurs ordres, autrement dit les femmes non voilées, les coiffeuses, les femmes actives et les célibataires. Dans un certain nombre de cas, ils ont mis ces menaces à exécution. En 1994-1995, les attaques contre les civils ont pris encore plus d’ampleur. Les groupes armés ont placé des bombes dans les lieux publics, provoquant un nombre sans précédent de victimes. En 1997, surtout au moment du Ramadan, ils ont massacré des villages entiers, un nombre disproportionné de femmes et d’enfants comptant parmi les nombreuses victimes. Si ces années de terreur et de subordination sexuelle imposée ont influé négativement sur la culture et l’égalité des sexes, de nombreux segments de la société civile résistent vigoureusement au programme fondamentaliste. Les femmes sont à la tête de ce mouvement. Les activistes féministes et les organisations de femmes, les journalistes et bien d’autres continuent de manifester contre les fondamentalistes et de documenter les violations commises, malgré le risque encouru. De plus, les femmes et les hommes ordinaires continuent, malgré la terreur, à travailler et à maintenir les institutions sociales comme les écoles. Les enseignantes, les coiffeuses et les couturières (des femmes dont le métier est d’embellir d’autres femmes), les femmes non voilées ainsi que les femmes portant le voile avec une touche de rouge à lèvres, luttent toutes contre le programme totalitaire de terreur des fondamentalistes en poursuivant leur vie quotidienne. Le nombre de femmes non voilées a récemment augmenté.

Malgré l’opposition militaire violente de l’État au mouvement fondamentaliste, ce dernier a exercé une profonde influence sur les politiques publiques. La complaisance de l’État envers les pressions fondamentalistes explique ses réserves envers la Convention des Femmes et l’application d’un code de la famille réactionnaire, qui porte atteinte aux droits fondamentaux de la femme. De plus, l’État n’a pas suffisamment répondu aux besoins sociaux et, ni aux besoins économiques des victimes de la violence fondamentaliste. Il n’a en particulier apporté aucun soutien adéquat aux survivantes des viols. Enfin, si l’État a rejeté certaines des demandes fondamentalistes les plus extrêmes en vue d’un apartheid des sexes, comme la ségrégation dans l’éducation et les transports, il n’a pas pris suffisamment de mesures pour remédier aux déprédations culturelles sur l’égalité des sexes causées par le programme fondamentaliste.

Le Comité a l’autorité nécessaire et le devoir de s’occuper des obstacles extrêmes que représente la campagne fondamentaliste de violences et de terreur, ainsi que son influence sur le pouvoir de l’État, pour atteindre les objectifs d’égalité de sexes et de respect des droits de la femme. Le Comité devrait interroger l’État sur ces points et l’enjoindre de prévenir la violence et d’en protéger ses victimes, de réparer les torts commis contre les femmes par les fondamentalistes, d’adhérer à la Convention et de la mettre activement en ‘uvre. Nous recommandons en particulier que le Comité:

Demande instamment à l’État et obtienne de celui-ci qu’il s’engage à retirer ses réserves à la Convention, réserves qui légitiment et perpétuent l’inégalité des femmes (en particulier dans la vie familiale) et qui violent l’objet et le but de la Convention.

Demande instamment à l’État et obtienne de celui-ci qu’il s’engage à accepter et à soutenir une législation permettant d’adopter une série complète d’amendements au code de la famille, formulée et acceptée en consultation avec les femmes des ONG, ainsi qu’à soutenir l’adoption et la mise en ‘uvre d’autres mesures nécessaires à l’élimination des discriminations et enfin à assurer l’égalité.

Demande instamment à l’État et obtienne de celui-ci qu’il s’engage à prendre des mesures immédiates pour que les victimes des violences fondamentalistes, parmi lesquelles les femmes qui ont été violées et soumises à l’esclavage sexuel, bénéficient de services sociaux adéquats, y compris des services médicaux pour l’avortement et d’assistance psychologique, leur permettant de regagner leur confiance en elles et de reconstruire leurs vies.

Demande instamment à l’État et obtienne de celui-ci qu’il s’engage à prendre des mesures immédiates pour garantir que toutes les femmes bénéficient de manière égale d’une préparation, d’un accès et de l’exercice des droits à l’emploi, à l’éducation et aux soins de santé conformément à la Convention, et que les femmes victimes de la violence, tant fondamentaliste que d’État, reçoivent une aide économique et toutes autres formes d’assistance nécessaires leur permettant de reconstruire leur vie et de subvenir à leurs familles et à elles-mêmes. Demande instamment à l’État et obtienne de celui-ci qu’il s’engage à prendre des mesures dirigées tant vers les hommes que vers les femmes, par le soutien des médias, de l’éducation et des arts, pour dépasser les stéréotypes discriminatoires et les peurs entretenues dans la culture par la terreur fondamentaliste.

Demande instamment à l’État et obtienne de celui-ci qu’il s’engage à fournir les ressources nécessaires pour protéger et assurer le développement d’une communauté d’ONG indépendantes de l’État, en particulier des ONG assurant la reconnaissance et la protection des droits de la femme, de manière à faciliter l’établissement d’une société civile et le respect des droits de l’Homme.

I – Le fondamentalisme en Algérie

A. Les premières attaques fondamentalistes contre les femmes

Depuis la guerre d’indépendance contre l’occupation coloniale de la France, qui s’est achevée en 1962, l’État algérien a été dominé par le Front de Libération Nationale (FLN) dans un système de parti unique soutenu par les militaires. Si le rôle significatif des femmes dans la guerre pour la libération a semblé jeter les fondations d’une égalité des sexes en Algérie, peu après l’indépendance, les forces fondamentalistes ont commencé à se faire sentir en Algérie, en particulier dans leurs attaques contre l’égalité des sexes. Dans les années 70, dans les universités, les islamistes4 se sont attaqués aux étudiants qui soutenaient un programme non islamiste, en particulier les femmes qui refusaient de se plier à l’idée islamiste de leur rôle et de leur comportement. Les étudiantes furent attaquées pour leur activisme politique et leur façon de s’habiller, parmi ces attaques, des agressions à l’acide sur des étudiantes.5

Les fondamentalistes continuèrent de s’organiser dans les années 70 et 80, et en 1984, ils remportèrent une importante victoire politique grâce à l’adoption du code de la famille qui a privé les femmes de bon nombre de droits fondamentaux et les a réduites à un statut de minorité. Tout au long de l’histoire du mouvement fondamentaliste en Algérie, nombreux segments de la société civile, en particulier dans la communauté féministe, s’y sont opposé. De 1980 à 1984, à chaque fois que le code de la famille était proposé, les femmes activistes organisaient de grandes manifestations. Le code, adopté en 1984 sans que ses dispositions n’aient fait l’objet d’un examen ou d’un débat public, est devenu une cible permanente de protestations et d’opposition pour les groupes de femmes.6

Les attaques contre les femmes reçurent une plus grande attention lorsque, fin 1989, les islamistes organisèrent des campagnes et incendièrent les maisons de femmes vivant sans parent masculin. Dans un cas particulier, le 5 juin 1989, l’autorité locale de la ville a reçu une pétition signée par 197 personnes demandant que leur quartier soit débarrassé de la présence de trois femmes dont le mode de vie était considéré comme inapproprié. La municipalité a donc menacé ces femmes et mobilisé des groupes de jeunes garçons pour les harceler quotidiennement. Comme ces ‘indésirables’ ne quittaient pas la communauté, un groupe de dix hommes a décidé de passer à l’action. Le 21 juin 1989, pendant la nuit, ils se sont réunis, ont délibéré et finalement décidé que le seul moyen de ‘purifier’ le quartier était par le feu’. ‘Oum Ali’ est une femme de 34 ans, récemment divorcée, qui vit seule avec sept enfants. Abandonnée par son mari avant le divorce, illettrée et sans emploi, elle est la plus pauvre parmi les pauvres, car en vertu de l’article 52 du code de la famille de la loi islamique, ni elle ni ses enfants ne sont protégés, en effet ils ne reçoivent aucune assistance financière’ Les fondamentalistes l’accusaient de prostitution, ils l’accusaient de rendre le quartier impur, de gâter la moralité, la piété des Musulmans et le bienêtre spirituel de la ville’ Au milieu de la nuit du 22 juin 1989, les fondamentalistes ont incendié sa maison et son enfant handicapé de trois ans a péri dans l’incendie. Treize hommes ont été arrêtés et les fondamentalistes ont manifesté en leur faveur. Ils n’ont pas nié leur crime, mais ils l’ont trouvé justifié.7

B. L’émergence et l’idéologie du FIS et des groupes armés

En 1988-89, en réponse à l’opposition populaire au manque de démocratie et de libertés civiles, à la profonde corruption, au manque d’éducation, d’emplois, de logements et à la paupérisation de la population, la Constitution algérienne a été modifiée pour mettre en place un système parlementaire pluripartite. Dans cette opposition, se retrouvait une large marge représentative de la société, dont les laïques, les démocrates indépendants, les étudiants, les travailleurs, les villageois et d’autres personnes, ainsi que les extrémistes islamistes qui allaient plus tard former le parti politique du Front Islamique du Salut (FIS) et ses groupes armés. Mettant à profit cette ouverture pour tenter de s’emparer du pouvoir étatique, les fondamentalistes fondèrent le FIS en 1989 comme organisation regroupant tous les groupes islamistes.8 À l’inverse d’autres segments de la société civile favorables au changement constitutionnel, l’objectif déclaré du FIS depuis sa création était de faire de l’Algérie un Etat islamiste non démocratique, totalitaire, que ce soit par des élections ou par la violence.

Le FIS avait toujours considéré la violence comme un moyen d’imposer son programme. La devise suivante du FIS compte parmi les plus populaires: ‘Pour lui, nous mourrons et pour lui, nous resterons en vie. Pour lui nous rencontrerons Dieu. Pour lui nous faisons la guerre. Pour l’État Islamique.’ Au siège de campagne du FIS, les panneaux d’affichage proclamaient: ‘L’État Islamique doit répandre la foi à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, que ce soit par la persuasion ou par la terreur.’9 Les propos antidémocratiques des fondateurs du FIS Abassi Madani et Ali Belhadj sont encore plus révélateurs. En décembre 1989, Abassi Madani, président du FIS, a déclaré:

‘Nous n’acceptons pas cette démocratie qui permet à un mandataire élu d’être en contradiction avec l’Islam, la charia, sa doctrine et ses valeurs.’10

En février 1989, le vice-président du FIS Ali Belhadj a affirmé: ‘Il n’y a pas de démocratie, car la seule source de pouvoir est Allah par le Coran, et non le peuple. Si le peuple vote contre la loi de Dieu, ce n’est rien d’autre qu’un blasphème. Dans ce cas, il faut tuer les incroyants pour la bonne raison qu’ils veulent substituer leur autorité à celle de Dieu.’11

L’un des piliers du programme fondamentaliste consiste à imposer un apartheid des sexes en prenant pour cible les femmes qui s’écartent de quelque manière que se soit de leur rôle très restreint prescrit dans le cadre fondamentaliste. Après la légalisation du FIS et avant les élections, Ali Belhadj a déclaré ‘que la femme était là pour produire des hommes, elle ne produit aucun bien matériel autre que cette chose essentielle, le Musulman.’12 Abassi Mandani a également déclaré: ‘Les manifestions récentes de femmes contre la violence et l’intolérance comptent parmi les plus grands dangers qui menacent le destin de l’Algérie’elles défient la conscience du peuple et répudient les valeurs nationales.’13

Pendant la période où le FIS contrôlait légalement un nombre non négligeable de municipalités, l’un de ses imams, Abdelkhader Moghni a affirmé:

‘Les femmes devraient rentrer à la maison et laisser leurs emplois aux milliers de jeunes hommes au chômage. Elles perdent leur temps, en gaspillant leurs salaires en maquillage et en robes. ‘14

Cette rhétorique était soutenue par l’action politique des mandataires élus du FIS et par la menace de la force.

La violence fondamentaliste à l’encontre les femmes s’est poursuivie entre la légalisation du FIS et l’annulation des élections. En décembre 1989, une athlète de judo a été agressée pour avoir contrevenu aux diktats fondamentalistes.15 De février à avril 1990, les fondamentalistes ont lancé une série d’attaques contre les étudiantes de différentes résidences universitaires. Dans l’un de ces cas, une jeune femme a été fouettée alors qu’elle se rendait à un cours.16 À de nombreuses occasions étalées sur plusieurs mois, et sans aucune intervention de la police, des étudiantes furent ramenées dans les résidences universitaires par des fondamentalistes armés de hachettes voulant imposer un ‘couvre-feu’ aux étudiantes.17

Le projet fondamentaliste visant à institutionnaliser une discrimination extrême à l’égard des femmes, constituant par là même les éléments constitutifs d’un véritable apartheid des sexes, est devenu encore plus clair entre 1991 et 1992 alors que le FIS exerçait officiellement le pouvoir dans un certain nombre de municipalités. Si le FIS adopte souvent le langage des droits de l’homme, même concernant les femmes, les programmes qu’ils ont mis en ‘uvre cette année-là, tant par décrets que par les menaces de violence à l’encontre des résistants, démontrent clairement le contraire: la ségrégation sexuelle dans les écoles et dans les bus, l’exclusion des filles dans le domaine sportif, l’obligation du port du voile, les pratiques religieuses forcées et l’interdiction de certains emplois.18

C. La montée en flèche de la violence contre les femmes et la population civile

Après l’annulation des élections de 1991, la stratégie consistant à atteindre les objectifs fondamentalistes par la violence contre la population civile s’intensifia. Le vice-président du FIS, Ali Belhadj, déclara en octobre 1994: ‘les chefs visionnaires doivent mettre tout leur potentiel au service du djihad et coordonner toutes les formes de djihad, notamment le djihad armé qui en est la forme la plus noble et la plus élevée.’19 Le FIS et les groupes armés ont alors mené une guerre contre l’État en utilisant les attaques contre les civils, en particulier les femmes, comme méthode de combat.

Leurs cibles ont changé au fil du temps. Dès 1992, les fondamentalistes ont attaqué les forces de sécurité étatiques et la police qui n’étaient cependant pas les seules cibles. Les groupes armés ont choisi les parentes des membres de la police, des forces de sécurité ou du gouvernement comme premières cibles civiles de viol, de torture et d’assassinat. Entre 1992 et 1995, les assassinats, tortures, enlèvements et autres atrocités du FIS et ses groupes armés se sont tournés vers les civils qui résistaient ouvertement ou dirigeaient les mouvements offrant une alternative à la vision du FIS. Les groupes armés ont assassiné et menacé d’assassiner par la publication de communiqués et de listes et par des attaques directes ainsi que par le harcèlement de journalistes, de féministes, d’intellectuels, d’enseignants, d’étrangers et d’artistes, tous membres de la société civile sans aucun lien avec le gouvernement et même, pour un grand nombre d’entre eux, opposants publics de longue date au gouvernement.20

Les femmes qui n’obéissaient pas aux ordres islamistes sont devenues et sont restées, le symbole visible de l’opposition au FIS et ainsi des cibles pour la violence. Nabila Djahnine, une féministe en vue, fut assassinée par les groupes armés fondamentalistes. D’autres dirigeantes et féministes confirmées comme Zazi Sadou et Khalida Messaoudi vivent sous des menaces de mort depuis plusieurs années. Ces féministes algériennes représentent ainsi le défi ultime aux dirigeants fondamentalistes.21

Il n’y a pas que les femmes en vue qui soient et aient été attaquées. Le FIS et ses groupes armés répandent la terreur en publiant ou en envoyant des communiqués qui ordonnent aux femmes de se plier à leurs diktats, les menaçant de violence ou d’assassinat. L’un de ces communiqués exigeait des femmes qu’elles portent le voile, sous peine d’être tuées. Un mois après la publication de ce communiqué, en mars 1994, deux jeunes femmes furent tuées par balles à un arrêt de bus parce qu’elles ne portaient pas le voile (NY Times, 31 mars 1994). Katia Bengana, dix-sept ans, avait été abattue le mois précédent pour le même motif.22 Toutes les femmes perçues comme n’obéissant pas étaient et restent des cibles. Les groupes armés menacent et attaquent divers groupes de femmes, dont les athlètes, les enseignantes, les ouvrières ainsi que les femmes qui ne portent pas le voile. Ils ont également menacé et attaqué celles qui travaillent à embellir les femmes, coiffeuses, couturières et commerçantes ainsi que les femmes qui, courageusement, sortent de chez elles maquillées ou affichant tout autre signe de résistance.23

Initiées en 1995, les attaques contre les civils ont pris encore plus d’ampleur. En 1995, par exemple, à la veille du Ramadan, une bombe, qui selon le leader du FIS, Anouar Haddam, avait été amenée au poste de police par les moudjahidin, a explosé sur le boulevard Amirouche, l’une des artères les plus animées d’Alger au moment le plus fréquenté de l’année. Le boulevard était empli de femmes et d’enfants, qui venaient de sortir de l’école. 38 personnes furent tuées et 256 blessées, la plupart des victimes étant des femmes et des enfants. Cet attentat n’a pas été interprété comme de ‘la malchance’, selon les mots du leader du FIS, mais comme une attaque délibérée et minutieusement préparée.24

Si la violence aveugle actuelle ne parvient pas à attirer l’attention de la presse internationale, la brutale campagne de massacres menée dans les villages par les groupes armés, et qui a également coïncidé avec le Ramadan, a fait couler davantage d’encre. Des centaines de villageois, hommes, femmes et enfants, ont été massacrés. De plus, dans le cadre de ces massacres, les groupes armés ont isolé les filles et les jeunes femmes de 11 à 35 ans pour les mener dans des camps où ils les ont violées à maintes reprises avant de les tuer. L’esclavage sexuel et la torture qu’elles ont subis étaient accompagnés d’autres formes de tortures: brûlures, passages à tabac et mutilation des seins et des parties génitales.25

Un communiqué de l’émir local du GIA (l’autorité théologique, administrative et militaire des fondamentalistes) illustre sinistrement la nature systématique de ces pratiques. Ce communiqué affirme l’autorité de l’émir qui lui octroie le droit de donner des femmes à violer aux moudjahidin ou ‘combattants de la foi.’ Le communiqué commence ainsi: ‘C’est l’Émir qui donne les femmes.’ Il se poursuit avec des instructions sur les ‘règles’ du viol: qui peut être violée, quand, et par qui. Par exemple, il interdit à un moudjahidin de violer à la fois une mère et sa fille; à un père et son fils de violer la même femme. Il apprend également aux ‘combattants’ qu’ils ne peuvent pas battre les femmes attribuées à d’autres (étant entendu bien sûr qu’ils peuvent battre celles qui leur sont assignées).26 Le fondamentalisme en Algérie reste aujourd’hui une menace très présente et les violences se poursuivent.27 Si les extrémistes semblent avoir récemment perdu du terrain, militairement, culturellement et politiquement, les dégâts causés par ce règne de la terreur sur l’égalité des sexes sont profonds et leurs effets potentiellement de longue durée, à moins que l’État ne prenne des mesures anti-discriminatoires pour en dépasser les conséquences culturelles.

D. La résistance des Algériennes et l’établissement de la démocratie et de l’égalité

Les femmes algériennes occupent la première ligne de la société civile, s’organisant au nom de la paix, de la démocratie, des droits de l’Homme, de la liberté du culte et de l’égalité dans des conditions très dangereuses. Les journalistes féministes recueillent les témoignages, prennent des photographies et travaillent héroïquement pour briser le silence et l’invisibilité dans lesquels vivent les victimes civiles en Algérie. Malgré les menaces contre leur vie, elles ont organisé d’importantes manifestations annuelles pour commémorer la Journée Internationale de la Femme et s’opposer aux efforts des fondamentalistes pour s’immiscer au pouvoir. Ces activistes démocrates et féministes ont défié les barrages routiers gouvernementaux pour se rendre dans les villages après les massacres, y recueillir des témoignages et apporter leur soutien. Elles ont organisé des projets d’aide aux femmes et enfants victimes tant des atrocités que de la corruption et de l’inaction du gouvernement.

Elles ont écrit et parlé contre le programme fondamentaliste et la violence. Elles se sont élevées contre les violations, la censure, la négligence, la corruption et la discrimination attribuables au gouvernement, et elles parlent d’une voix puissante, qui ne sera pas étouffée, en faveur de l’égalité des sexes et de la démocratie.28 Leurs actions incluent des protestations contre les abus de l’État à l’encontre de femmes qui n’ont aucune responsabilité dans les violences mais sont visées ou affectées à cause de leurs relations familiales avec des terroristes ou des terroristes suspectés.

Et pourtant, la forme la plus puissante de résistance et le plus grand espoir pour les objectifs d’égalité et de démocratie sont faits de petits événements et de formes de résistance quotidienne et ordinaire. Le nombre élevé de civils, là encore souvent menés par des femmes, qui continuent de bâtir leur vie quotidienne malgré la violence inqualifiable, représente une base solide pour l’égalité et la paix. On y retrouve des mères défiant l’ordre des fondamentalistes armés de ne pas envoyer leurs enfants à l’école et qui continuent de les y envoyer et les y accompagnent, malgré les attaques terroristes. On y retrouve les enseignants, les professeurs d’université, les coiffeuses et autres travailleuses ainsi que les mères, les s’urs et parentes qui ont refusé à leur manière apparemment insignifiante mais profondément courageuse de céder aux diktats fondamentalistes: celles qui ont continué d’aller travailler, de sortir dans la rue, de se faire belles comme symbole de leur résistance et de faire le travail qui maintient la cohésion de la société civile malgré les grands risques qu’elles courent.29

F. par exemple, une enseignante de Hai Rais, a assisté, impuissante, au meurtre de son mari et de son fils de trois ans, brûlés vifs dans leur maison en 1997. Quelques jours plus tard, elle retournait à son travail, ‘parce que je ne peux pas laisser ces enfants sans éducation.’ Le directeur d’une école primaire a expliqué comment durant toute l’année 1994, les cours se déroulaient avec les portes ouvertes et comment il patrouillait l’école, guettant l’apparition d’une bombe ou d’une attaque. Le personnel n’a pas fermé l’école, ne serait-ce que pendant une journée. Maintenant, raconte-t-il, ‘avant de commencer les cours, nous écoutons les enfants nous raconter le drame qu’ils vivent. Puisqu’il n’y a pas de psychologues disponibles, nous devons nous occuper de cela. Nous ne sommes pas formés à ce rôle, nous sommes nous-mêmes traumatisés, mais il s’agit de faire passer les enfants en premier.’30 Le simple fait de continuer à vivre est devenu ainsi une forme de résistance. Ces secteurs de la société civile ont besoin d’aide pour continuer à bâtir une société libérée de la violence et capable de mettre en ‘uvre une démocratie durable. Leurs efforts pour maintenir et continuer à faire fonctionner les institutions sociales comptent parmi les plus grands espoirs de l’Algérie.

E. L’impact du fondamentalisme sur l’État

L’État algérien a réagi aux pressions et aux violences fondamentalistes par la répression mais aussi par des compromis avec le programme fondamentaliste. Lorsque l’État a pris en considération les demandes des fondamentalistes, cette démarche a toujours été adoptée au détriment des droits fondamentaux et de l’égalité des femmes. L’égalité dans la vie familiale en a été le sacrifice principal. Cédant à la pression fondamentaliste, l’État a adopté le code de la famille actuel en 1984, qui bafoue un grand nombre des droits les plus fondamentaux des femmes.31 La loi a été adoptée sans aucun débat public et en dépit de la vive opposition historique de la communauté des femmes. Malgré les efforts phénoménaux de la communauté des femmes pour obtenir le rejet de ces dispositions très dangereuses, dont une campagne de pétitions qui a recueilli un million de signatures, le code de la famille est resté en vigueur. L’État a récemment rejeté une recommandation commune de plusieurs ONG demandant l’amendement progressif du code.

Dans sa réaction aux violences fondamentalistes à l’encontre des femmes, l’État n’a également pas réussi à apporter suffisamment de soutien aux victimes. Même si, à la suite de l’impact épouvantable des massacres et des protestations publiques, l’État a commencé à fournir certains services sociaux aux victimes, ceux-ci restent inadéquats et doivent être renforcés. En ce qui concerne l’avortement, s’il est vrai que le gouvernement a décrété, apparemment sur la base d’une décision du haut conseil islamique, que les femmes enceintes à la suite d’un viol pouvaient se faire avorter, des rapports plus récents indiquent que le conseil a retiré ou répudié son autorisation pour les avortements et il n’est pas évident que le décret gouvernemental tienne toujours et/ou que les victimes aient été en mesure d’accéder à ce service médical. Les femmes qui survivent, en particulier les veuves avec des enfants, n’ont pas non plus bénéficié de l’assistance économique nécessaire. Étant donné le taux d’illettrisme extrêmement élevé et la modestie du taux officiel d’emploi des femmes en Algérie, ces femmes n’ont que peu d’options. De plus, si certains services, dont le suivi psychologique, sont proposés aux femmes qui ont été violées, stigmatisées et rejetées par leurs communautés, ces efforts sont également insuffisants.

Même si après 1992 l’État s’est refusé à mettre en oeuvre de manière légale certaines des pires exigences fondamentalistes visant à l’apartheid sexuel: ségrégation dans les bus et les écoles, prohibition des femmes dans l’athlétisme, il faudra beaucoup plus pour contrecarrer l’impact culturel de la menace fondamentaliste sur la société. Comme l’exprime un jeune homme du village de Hai Rais, lieu d’un des massacres de 1997 et région abandonnée aux fondamentalistes: ‘Nous devons réapprendre à être humains, à serrer la main d’une femme, à la regarder d’un oeil fraternel même si elle ne se couvre pas la tête ou les bras. Cela fait maintenant 5 ou 6 ans que nous avons oublié ces gestes plutôt normaux.’32

II – Le rôle de la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW)

Nous demandons à ce Comité, dans le cadre de son mandat, de reconnaître clairement que le programme et la violence des fondamentalistes constituent l’un des obstacles les plus significatifs à la réalisation de l’égalité des femmes et à l’exercice de leurs droits fondamentaux. De fait, leur campagne de terreur, constituant des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, est une violation directe du droit international de la pire forme. Nous pressons le Comité de demander à l’État de prendre ses responsabilités conformément aux articles 2, 3, 4 et 5 de la Convention, de prendre des mesures immédiates et effectives pour protéger contre, réparer et contrecarrer ces violations et leurs conséquences politiques, économiques et sociales dévastatrices sur la condition et les droits des femmes en Algérie. Le Comité pourrait en particulier interroger l’État sur les initiatives anti-discriminatoires qu’il prend pour combattre l’aggravation de la discrimination et de la subordination des femmes, qui sont les conséquences de la terreur fondamentaliste dirigée contre les femmes et les hommes. Il devrait également examiner d’une part les mesures prises pour remédier aux inégalités sociales et économiques et alléger le désespoir des femmes qui doivent trouver un emploi et un moyen de subsistance au lendemain de la terreur et d’autre part les effets d’une discrimination plus générale à l’encontre les femmes. Il faudrait pousser l’État à éliminer toutes les formes de discrimination et à empêcher la ré-institutionnalisation de la discrimination, par exemple dans la menace de voir à nouveau les femmes privées de leur droit de vote.

La montée du fondamentalisme en Algérie et le manquement de l’État à y répondre adéquatement, de manière politique, a provoqué une myriade de violations à la Convention des Femmes. Les femmes ont été privées, entre autres droits, du droit à une même éducation, art. 10, du droit de vote et de participation à la vie publique, art. 7, du droit à échapper aux stéréotypes sociaux et culturels, art. 5, 10, du droit au libre choix de leur profession, art. 11, du droit aux soins de santé, art. 12, du droit de participer à des activités de loisirs et sportives et à l’ensemble des aspects de la vie culturelle, art. 13, du droit à l’égalité devant la loi, art. 15, du droit à l’égalité dans le mariage, art. 15, et du droit à la sécurité et à une vie libre de violence, rec. 19.

Conformément à la Convention CEDAW: ‘Les rapports peuvent indiquer les facteurs et les difficultés affectant la manière dont sont remplies les obligations prévues par la présente Convention’ art 18. Dans le cas de l’Algérie, le Comité doit identifier ces ‘difficultés’ posées par le fondamentalisme et demander à l’État d’y répondre. Ces ‘difficultés’ incluent non seulement la violence et la terreur imposées par les fondamentalistes, mais aussi leur programme visant à établir un Etat théocratique correspondant à leur vision conservatrice de l’Islam et à affirmer la suprématie de la charia. Cette autorité permet au Comité d’interroger l’État sur l’influence accordée aux fondamentalistes au sein du gouvernement et de la société, sur sa capitulation incarnée par le code de la famille de 1984, sur l’obligation d’abroger cette loi et sur son devoir de retirer ses réserves à l’encontre de la Convention des Femmes. Il est également vital que le Comité insiste rigoureusement sur l’égalité et les droits des femmes. Les femmes réagissent avec horreur lorsque l’État, de temps à autre, décide de négocier avec le FIS, craignant qu’il ne cède encore davantage sur le plan des droits fondamentaux des femmes contre l’apparence et l’illusion de la paix. Nous recommandons en particulier que le Comité: Demande instamment à l’État et obtienne de celui-ci qu’il s’engage à retirer ses réserves à la Convention, réserves qui légitiment et perpétuent l’inégalité des femmes (en particulier dans la vie familiale) et qui violent l’objet et le but de la Convention.

Demande à instamment l’État et obtienne de celui-ci qu’il s’engage à accepter et à soutenir une législation permettant d’adopter une série complète d’amendements au code de la famille, formulée et acceptée en consultation avec les femmes des ONG.

Demande instamment à l’État et obtienne de celui-ci qu’il s’engage à prendre des mesures immédiates pour que les victimes des violences fondamentalistes bénéficient de services sociaux adéquats, y compris des services médicaux pour l’avortement et d’assistance psychologique, leur permettant de regagner leur confiance en elles et de reconstruire leurs vies.

Demande instamment à l’État et obtienne de celui-ci qu’il s’engage à prendre des mesures immédiates pour garantir que toutes les femmes bénéficient de manière égale d’une préparation, d’un accès et de l’exercice des droits à l’emploi, à l’éducation et aux soins de santé conformément à la Convention, et que les femmes victimes de la violence, tant fondamentaliste que d’Etat, reçoivent une aide économique et toutes autres formes d’assistance nécessaires leur permettant de reconstruire leur vie et de subvenir à leurs familles et à elles-mêmes.

Demande instamment à l’État et obtienne de celui-ci qu’il s’engage à prendre des mesures dirigées tant vers les hommes que vers les femmes, par le soutien des médias, de l’éducation et des arts, pour dépasser les stéréotypes discriminatoires et les peurs entretenues dans la culture par la terreur fondamentaliste.

Demande à instamment l’État et obtienne de celui-ci qu’il s’engage à fournir les ressources nécessaires pour protéger et pour assurer le développement d’une communauté d’ONG indépendantes de l’État, en particulier des ONG assurant la reconnaissance et la protection des droits de la femme, de manière à faciliter l’établissement d’une société civile et le respect des droits de l’Homme.

IWHR et WLUML remercient le Comité d’avoir prêté attention à ces propos.

Le 20 janvier 1999 IWHR & WLUML

Publié par Women Living Under Muslim Laws en février 2000 © International Women’s Human Rights Law Clinic et Women Living Under Muslim Laws ISBN 2-912606-05-5

mercredi 20 janvier 1999

Source : http://www.wluml.org/french/pubs/rtf/misc/alg-shadow-fr.rtf Présenté par: International Women?s Human Rights Law Clinic et Women Living Under Muslim Laws