Pakistan : Younis Masih enfin libre

Younis Masih, avait été emprisonné en septembre 2005 pour blasphème contre le prophète Mahomet. Un blasphème qu’il a toujours nié.

Le 30 mai 2007 il avait été condamné à mort par un tribunal de première instance à Lahore.

Suite à une forte mobilisation internationale, un nouveau procès à eu lieu en septembre 2012 qui a abouti à sa libération le 10 novembre dernier. Après 8 ans de prison. Pour éviter de déclencher des manifestations, sa remise en liberté n’é été connue qu’aujourd’hui. En prison, il a du subir plusieurs agressions. Il a eu un incident cardiaque en janvier. Il a déjà reçu plusieurs lettres de menaces.

40 chrétiens sont en prison au Pakistan pour blasphème. Plusieurs centaines d’Ahmadi sont en prison au Pakistan pour blasphème. Même si au Pakistan de nombreuses associations et personnalités (y compris des conservateurs religieux) essayent de remettre en cause les lois contre le blasphème, le Pakistan continue dans les instances internationales à plaider pour la reconnaissance de la diffamation des religions.

samedi 30 novembre 2013

La contre marche (Brigitte Stora)

« Je n’ai pas fait un film sur la marche de Beurs mais un film sur la marche pour l’égalité et contre le racisme », ainsi s’exprimait le cinéaste Nabil Ben Yandir, réalisateur du film La Marche. Lors d’une avant première au musée de l’immigration. Ce beau film généreux reconstitue l’itinéraire de ces jeunes marcheurs qui traversèrent la France puis furent accueillis à Paris par plus de 100 000 personnes. Les jeunes générations y découvriront la formidable solidarité qui a uni les marcheurs et leurs soutiens tout au long d’un parcours difficile puis la joie et la dignité d’une gigantesque manifestation qui accueillit leur arrivée à Paris.

Le mot beur que réfute Nabil ben Yandir fut surtout une invention des médias, réductrice, puisqu’elle ne concernait que les jeunes issus de l’immigration maghrébine, elle ne fut que rarement utilisée par les intéressés, c’est pourtant le mot et l’on en comprendra l’intention, du titre du documentaire de Samia Chala … chronique des années beurs.

Diffusé sur la chaine parlementaire et relayé par la plupart des médias, ce documentaire prétend nous raconter l’envers du décor, nous ouvrir les yeux (1). Les vrais marcheurs vont-ils parler ? Azouz Begag ouvre le documentaire sur un constat d’échec. « Les jeunes n’ont jamais entendu parler de ce que nous avons fait ». Le « nous » est appuyé, on espère une explication sur ce « défaut de transmission » de la part des porteurs de mémoires, hélas ce documentaire, essentiellement à charge, n’abordera jamais la question. Passons sur le fait que la plupart des interrogés n’ont jamais fait la marche. Après tout un mouvement n’appartient jamais à ceux qui l’ont initié mais sans doute encore moins à ceux qui l’ont ignoré voire combattu. Le discours, pourtant légitime, sur la récupération politique et la non prise en compte des jeune issus de l’immigration, ne manque pas de saveur dans la bouche d’Azouz Begag, ancien ministre d’un gouvernement de droite ou dans celle de Djida Tazdaït ancienne députée européenne chez les Verts désormais candidate du Modem… Si Magyd Cherfi du groupe Zebda reconnaît la place que ces jeunes d’origine maghrébine ont fini par occuper dans le champs culturel, ses propos sur la nationalité française vécue « comme un coup de poignard dans le dos de son père » laissent rêveur, on aurait espéré plus de fraternité de la part de celui qui fit danser la France entière avec « tomber la chemise ». Mais tout cela ne serait rien sans l’explication de « comment les « Beurs » se sont fait avoir ». Cette explication, dans la droite ligne des discours conspirationnistes, c’est Farida Belghoul qui la porte. Mme Belghoul ne fut pas une marcheuse, ancienne militante de l’Union des étudiants communistes, elle initia la marche de Convergence 84. Devenue proche des islamistes, cette dernière s’affiche désormais aux côtés d’Alain Soral et c’est sur un ton sentencieux qu’elle énonce que la « création de SOS racisme ne correspondait pas aux intérêts de la France … »

A ce stade il faut peut-être quelques repères.

Après la marche de 83 n’eut pas de traduction politique, en juillet 1984 eurent lieu les Assises de Lyon : des débats houleux avec d’un côté, les «communautaires», partisans du «lobby beur», de l’autre, ceux qui considèrent que «La France, c’est comme une mobylette, pour avancer il lui faut du mélange»… Ces derniers seront à l’origine de l’initiative Convergence 84. Le 6 décembre 1984, plus de 30 000 ; jeunes pour la plupart accueillent les rouleurs. Mais c’est aussi ce jour-là que la principale initiatrice de Convergence et héroïne du doc prononce un discours où il est question de « faire du beur à l’envers un Arabe à l’endroit » où les « fachos, gauchos, cathos » sont mis dans le même sac où il n’est plus question de s’adresser aux « convaincus » que sont les antiracistes. Ce discours ne méritait sans doute pas d’entrer dans l’histoire mais il offrit un vide et c’est sur ce vide que va se créer SOS racisme. Le projet des fondateurs de SOS Racisme se veut large et consensuel. Face à la montée du Front national, il s’agit pour eux d’avantage d’affirmer des valeurs que des revendications, concerts géants, parrainages nombreux, SOS réunira en juin 85 quelque 300 000 personnes à la Concorde.

On peut partager bien des choses qui sont dites dans ce doc. Car si la France de 2013 ne ressemble plus à celle de 83, 30 ans après le constat reste mitigé. Les jeunes issus de l’immigration se sont largement intégrés, des musiciens, chanteurs, comédiens, sportifs et autres font désormais partie du paysage hexagonal et sont régulièrement cités comme personnalité préférées des français. La politique, toujours en retard, a fini elle aussi par leur faire une place. Moins médiatisés et plus nombreux sont ceux qui, issus de parents ouvriers ont intégré les grandes écoles, sont devenus chercheurs, avocats, enseignants. Pourtant les problèmes demeurent ; dans les cités la drogue et son cortège de violence et de mort n’en finit pas de miner l’espoir et le vivre ensemble, les années sida ont décimé les rangs de nombreux acteurs de la vie associative. La mixité ethnique plus visible aujourd’hui qu’hier sur la scène publique a pourtant presque disparu de certains quartiers relégués où l’absence de perspective et le taux de chômage atteignent des niveaux inégalés. Le repli sur soi et la perte de certaines valeurs ont formé un terreau favorable aux discours de haine que les islamistes utilisent à leur fin. Tout cela aurait pu être abordé voire éclairé par des sociologues et des historiens loin du « complot sioniste » qui sert d’explication au monde et que reprend à son compte Farida Belghoul aux côtés d’Alain Soral qu’elle a récemment rejoint. Légitimer A. Soral et son site « Egalité et réconciliation » aux yeux de l’immigration et de ses héritiers constitue à la fois une faute morale et politique. F. Belghoul est inexcusable. C’est Houria Boutelja patronne des indigènes de la république qui l’écrit… A l’heure du repli sur soi, de la haine de l’Autre qui s’exprime çà et là, à l’heure où des insultes racistes qu’on croyait d’un autre âge s’expriment ouvertement, à l’heure aussi où des enfants dans ce pays ont été assassinés, peut-on encore laisser diffuser cette petite musique sur la chaine parlementaire à une heure de grande écoute ? Peut-on promouvoir sans aucune responsabilité les marchands de haine ? 30 ans après la marche, est-ce de cela que notre pays a besoin ?

Brigitte Stora

(1) Médiapart De la trahison des «Beurs»: retour sur une marche récupérée 18 NOVEMBRE 2013 | PAR ANTOINE PERRAUD Voilà 30 ans, ils défilaient pour l’égalité et contre le racisme. Ils ne trouvèrent que paternalisme et faux-fuyants de la part d’une gauche moralisante, prompte à transformer la politique en spectacle. Un documentaire nous ouvre les yeux sur ce jeu de dupes, dont les Français issus de l’immigration ne cessent de faire les frais…

« il fallait lire, naturellement « Lettre aux Cons Vaincus » – le texte dénonçait les « faux anti-racistes ». Alors qu’en tout état de cause, il s’agissait d’alliés dans la lutte anti-raciste », Albano Cordeiro, membre de la Coordination nationale de Convergence 84 pour l’Égalité.

mardi 26 novembre 2013

Un mot de Djemila Benhabib

Cher(e)s ami(e)s

À l’été 2012, j’étais en pleine rédaction de mon troisième ouvrage Des femmes au Printemps en hommage aux femmes tunisiennes et égyptiennes paru au Québec en novembre 2012 ainsi qu’en France et en Algérie, quelques mois plus tard, sous le titre de L’Automne des femmes arabes lorsque j’appris qu’une école musulmane avait eu recours aux services d’un avocat pour m’intenter une poursuite en diffamation en raison de propos que j’avais tenus, en février 2012, à l’émission radiophonique de Benoît Dutrizac au 98,5 fm.

La journée s’annonçait chaude. Elle l’a été, en effet. Mais certainement pas pour les raisons que j’avais anticipées. Je ne sais si c’est l’atmosphère du Caire ou de Tunis qui rendait mes doigts moites. Deux villes époustouflantes que je venais de quitter après un séjour de quelques semaines. Mon cœur brûlait d’espoir. Ma tête tremblait d’inquiétude. Une brèche venait de s’ouvrir. Les murs du temple étaient désormais ébranlés! Je me mettais à rêver, encore une fois, exactement comme en 1988 à la naissance du multipartisme en Algérie. C’était, bien entendu, avant l’apparition du Front islamique du salut (FIS) et de ses armées sanguinaires. Comment rester indifférent à la brûlure des autres quand au moins une fois dans sa vie on a frôlé l’enfer?

De retour au Québec, j’étais surtout hantée par les visages lumineux de ces résistantes et résistants qui manifestaient nombreux, les mains nues, contre les escadrons de la mort salafistes et de leurs acolytes les Frères musulmans. Ici, j’étais loin de ces prêches haineux appelant à l’assassinat des démocrates jugés « trop libres » et des « maudites femmes occidentalisées », de ces mains d’hommes agrippant des bouts de chair et de cette déferlante de voiles noires déambulant dans les rues. Ici, j’étais redevenue une femme libre.

Je m’étonnais à peine d’une telle « contrariété ». Sans doute, à cet instant-là, je n’ai pas pris la mesure réelle de cette cabale juridique qui s’orchestrait contre moi. Elle me paraissait si dérisoire comparativement à ce souffle de liberté qui embrasait le monde arabe. Je crus que le temps de l’immobilisme, de la vie sèche et des âmes mortes étaient désormais dépassé. « Je veux écrire», dis-je au téléphone à un ami volant à mon secours pour me prodiguer quelques judicieux conseils. «Tu comprends? Il faut que je finisse ce livre, impérativement», insistais-je.

Poursuivre mon travail d’écriture et m’y consacrer entièrement était une promesse à laquelle je m’accrochais grâce notamment à quelques soutiens inattendus qui m’ont permis de réagir efficacement, étouffant ainsi ce sentiment d’injustice qui m’envahissait.

Car moi aussi il m’arrive quelquefois de désespérer de la démission d’une bonne partie de nos élites, de leurs omissions calculées, de leur aveuglement obstiné, de leurs silences trop nombreux, de leur lâcheté décomplexée et de leur grande complaisance face à l’islam politique. Un monde endormi dans son confort et bluffé par son indifférence est-il en meilleure posture qu’un monde rongé par la barbarie?

Mon cœur s’est remis à battre de joie. Et il battait de plus en plus fort au fur et à mesure que ma plume s’abandonnait. Les mots faisaient tant de bruit en moi. Mais ils étaient en même temps si peu de choses. Et puis Des femmes au Printemps a remporté le Prix Gérald Godin décerné par la Ville de Trois-Rivières! C’était en mai dernier. Mon nom désormais lié à celui d’un géant, quel ravissement! Quelques mois auparavant, une autre ville m’accueillait, celle de Paris, pour me décerner une autre distinction, le Prix international de la laïcité. C’était le nirvâna…version laïque, bien entendu!

Qu’ajouterais-je à tous ces événements? Sinon que je ne cherche à convaincre personne de la justesse de mes propos pour lesquels on me poursuit. Chacun est en mesure de se faire une idée sur le bien-fondé de cette cause. Une chose est sûre, jamais je n’accepterai de faire silence sur une terreur dont je connais les moindres contours, les ambitions liberticides et les stratégies diaboliques.

Cela fait plus d’un an que ça dure et ça peut durer pendant longtemps encore. Je le sais. J’avoue, certains jours ont été plus difficiles que d’autres, certaines nuits trop brèves. Quelques projets ont malheureusement été renvoyés aux calendes grecques. D’autres, par ailleurs, ont abouti parmi lesquels un séjour en Afghanistan l’été dernier qui se conclura par un récit dans ce coin du monde des ombres bleues grillagées.

Dans cette épreuve, j’ai toujours été soutenue et accompagnée d’une façon formidable par mon compagnon, Gilles Toupin, mes parents, Kety et Fewzi, ma famille, mes avocats, mes éditeurs, mes nombreux amis et tant de personnes anonymes qui me témoignent leur soutien. J’ai des raisons d’espérer! Car mon engagement me lie à chacun d’entre vous et puise ses racines dans une même communauté de destins. Celle d’une humanité en mouvement débarrassée des carcans ethniques et religieux. Ma communauté, c’est l’humanité toute entière. Ma religion, ce sont Les lumières. C’est grâce à vous toutes et tous que j’ai pu garder la tête hors de l’eau, avancer dignement, continuer coûte que coûte sur ce si long chemin.

À vous toutes et tous je dis merci du plus profond de mon être. À vous toutes et tous qui, inlassablement, jour après jour, continuer de me gratifier de votre solidarité, une solidarité qui prend mille et un visages, je dis merci encore et toujours! Surtout, soyez les témoins bruyants de votre époque!

Quant à moi, rien ni personne ne me fera taire. Je ne connais ni la peur ni la fuite. Je reste convaincue qu’il n’est pas moins urgent, aujourd’hui qu’il y a trois siècles, de lutter contre les tentations obscurantistes, la bigoterie, la censure et le fanatisme. Les défis de ce début de siècle nous imposent une lucidité et un engagement encore plus grands que par le passé. Merci encore !

À très bientôt!

Djemila B.

http://jesoutiensdjemila.org/index.php/un-mot-de-djemila-benhabib/

mercredi 6 novembre 2013