Samuel Mayol : « L’Université, territoire sacrifié de la laïcité ? » (Colloque du CLR, 30 mai 15)

Chers amis,

Je commencerai mon exposé en vous citant un célèbre président d’université : « Concernant la laïcité, je ne vois vraiment pas l’intérêt de faire une loi quand il n’y a ni demande, ni problème. »

Comment ne pas voir que la situation au sein des universités françaises est aujourd’hui inquiétante. Et malheureusement les évènements survenus à l’IUT de Saint-Denis au cours de l’année 2014, tout comme à Sciences Po Aix, à la Sorbonne, à l’université Paris X Nanterre ou à l’université Paris 13, depuis cette rentrée universitaire ont mis en avant cette réalité et ne sont finalement que symptomatiques de ce qui se passe réellement au sein des universités françaises. Les faibles soutiens apportés à la communauté universitaire montrent à quel point, à tous les niveaux de l’état et du monde universitaire, cette question, certes sensible, n’est en réalité pas abordée avec l’importance qu’elle mérite et le courage qu’elle nécessite. Tout semble nous faire croire qu’on n’a pas évalué ou qu’on ne veut pas évaluer l’ampleur de la situation.

Les contentieux sont de plus en plus nombreux et concernent tous les secteurs de la vie universitaire, qu’il s’agisse de demandes de dérogations pour justifier une absence, du port de signes d’appartenance religieuse, d’actes de prosélytisme, de la récusation de la mixité tant au niveau des étudiants que des enseignants, de la contestation du contenu des enseignements, de l’exigence de respect des interdits alimentaires, de l’octroi de lieux de cultes ou de locaux de réunion à usage communautaire.

La liste s’enrichit régulièrement de revendications nouvelles et surtout les cas de conflits se multiplient. Il est temps d’admettre au moins en cette période de débats, que la situation est réelle et que le débat mérite clairement d’être posé et qu’il ne s’agit pas, à l’instar de ce que disent certains, d’un débat stérile.

Refuser de voir les problèmes en face, de poser le débat, d’établir le diagnostic, et d’y apporter des solutions, c’est une attitude tout autant irresponsable que suicidaire. Les tergiversations que nous avons connu pendant quinze ans pour aboutir finalement à une loi en 2004 pour les collèges et les lycées doivent nous servir de leçons pour ne pas reproduite une telle erreur.

Alors que de nombreuses personnes continuent à me dire et à clamer que les évènements de l’IUT de Saint-Denis ne sont que des faits divers, je souhaite ici revenir sur des évènements que j’ai eu à gérer en tant que directeur d’un IUT.

Tout d’abord, je souhaite dire à quel point l’IUT de Saint Denis est un joyau de l’enseignement supérieur. Composé de 2000 étudiants, l’IUT de Saint Denis, au cœur de son territoire est particulièrement fier de participer activement depuis 1969 à l’insertion professionnelle de jeunes issus de ce territoire. Particulièrement soucieux de favoriser l’ascension sociale de nos étudiants, les équipes administratives et pédagogiques d’un des plus importants IUT de France ne ménagent pas leurs peines pour mener à bien notre mission de service public, convaincus de faire le maximum pour nos étudiants. Vous aurez compris à quel point c’est une fierté pour moi de diriger cette magnifique institution que certains veulent pourtant anéantir depuis l’année universitaire dernière.

Divers problèmes se sont posés à moi et chacun à leur niveau interpellent sur le respect de la laïcité au sein de nos institutions. Les dysfonctionnements que j’avais dénoncés dès le mois de novembre 2013 et pour lesquels j’ai mis en place les mesures nécessaires afin de les résoudre ont donné lieu à un rapport de l’inspection générale des services.

On peut tout d’abord parler d’entraves réelles à la laïcité. Outre la vente de sandwiches Hallal à laquelle j’ai mis fin dès le mois de novembre 2012, je me trouve confronté à la découverte d’une salle de prière clandestine comprenant une trentaine de tapis. A l’origine de ces entraves, une association étudiante qui obtient l’autorisation de ce commerce par les responsables même de l’université. Je décide bien entendu de mettre fin à cette vente de sandwiches entre autre pour des raisons évidentes de respect de la laïcité. Ce dernier point doit ici, collectivement nous interpeller lorsque des étudiantes subissent des pressions si elles n’achètent pas les sandwiches hallal de cette association. Dans ce cas précis, une laïcité respectée au sein des universités protège les étudiantes.

A l’heure où je vous parle, cette association, désormais exclue de l’IUT, a encore droit de citer au sein même de mon université d’appartenance. Comment une institution comme la notre peut elle manquer autant de cohérence.
Cette même association avait détourné le local qui lui était attribué en salle de prière. Sans le savoir, j’ai souhaité récupérer les clés de ce local pour le partager équitablement avec d’autres associations étudiantes. Ce jour là, le 3 février 2014, l’IUT se trouve confronté à une alerte à la bombe : 2000 étudiants, 200 enseignants, 100 personnels administratifs à évacuer. Le tramway est dévié, le bureau de poste à proximité est évacué, la place du 8 mai est bouclée. Et c’est au moment où on fouille l’IUT que la salle est découverte.

On peut ensuite évoquer des problèmes de communautarismes avérés au sein d’un des départements. Des faux enseignants vacataires, de faux diplômes délivrés, des heures de cours non justifiées, des cours non assurés, des matières factices, des enseignantes malmenées, humiliées voire insultées, des étudiants méprisés. Au final, près de 196000 euros auraient été détournés si je n’avais pas stoppé cette situation inacceptable.

Lorsque le rapport de l’IGAENR [Inspection générale de l’administration de l’Education nationale et de la Recherche] permet lui même d’établir les liens entre les deux parties de cette affaire, on constate alors que la laïcité est en fait mise à mal sous différentes formes. Et si cela se passe ainsi au sein de mon établissement ne nous leurrons pas, cela peut bien entendu arriver dans d’autres établissements.

Mes interventions, le soutien réel des étudiants et des enseignants dans mon combat pour assainir une situation scandaleuse ont donné lieu à un certain nombre d’intimidations dont j’ai été victime entre le 31 janvier et le 15 mai 2014 : pneus de mon véhicule dégonflés et crevés, quinze lettres de menaces de mort. Le 21 mai 2014, j’ai été victime d’une agression physique.

Mi-décembre, les menaces reprennent : je reçois deux livres rédigés en langue arabe et ornés d’une tête de mort. Plus récemment, à la suite des terribles événements des 7, 8 et 9 janvier, je reçois à trois reprises la une photocopiée de Charlie Hebdo « tout est pardonné » avec cette inscription complémentaire « pas partout, en tout cas pas à l’IUT ». Puis je reçois une impression de mon portrait avec les yeux crevés.

Dernièrement encore, des paliers ont été franchis. Ma voiture a été endommagée le 22 avril dernier dans le parking de mon immeuble. Vitre cassée et deux feuilles posées sur les deux sièges avant avec le mot « Mort » écrit dessus.
Le 17 mai, 7 collègues reçoivent des sms de menace avéré de mort, couplé avec une allusion antisémite notoire. N’ayant visiblement pas réussi à me décourager avec 30 menaces de mort en 1 an et demi, on s’attaque maintenant à ceux qui au sein de l’IUT m’ont aidé à révéler la gravité de la situation. Et je tiens à souligner ici le rôle déterminant de mon ami Florent Tetard, ici présent, membre du conseil d’administration de l’IUT et de l’Université et que j’avais moi même nommé à la tête de la commission financière de l’IUT. Son rôle et son soutien sans faille ont été déterminants.

Il semble clair que ces intimidations répétées, ont pour mission de me faire peur, de semer la terreur, de me faire céder, de me faire abdiquer, de m’obliger à lâcher le combat pour en définitive capituler.

Fort du soutien sans faille de mes collègues, de mes étudiants dont le rôle a été déterminant, et bien entendu du soutien quotidien réconfortant de ma femme, de mes enfants et de ma famille, à aucun moment je n’ai songé abandonné. Et pourtant notre vie est devenue un enfer depuis ces évènements : changement de voiture hebdomadaire, changement de place de parking, changement de boîtes au lettres, changement d’horaires et d’itinéraire pour aller travailler. A ceux qui ne sont pas encore convaincus, je leur demanderai s’ils accepteraient de contraindre leurs enfants à ne plus sortir avec une baby-sitter dans la rue, à limiter les sorties scolaires, à vivre les volets fermés, à ne plus aller dans le parking sans la présence d’un voisin, à rentrer chez soi le soir accompagné par les forces de police. Tout cela s’impose à moi et de fait à ma famille depuis un an. Et le plus dur est encore de trouver les mots pour rassurer mon enfant de 9 ans qui me demande pourquoi je suis menacé, l’ayant lui-même appris à l’école, ou encore trouver les explications quand mon autre enfant de 3 ans se demande pourquoi son papa se cache dans la salle de bain pour pleurer.

Beaucoup auraient arrêté ou capitulé et il m’est parfois arrivé de demander à ma femme Anne, ici présente, et que je tiens à remercier si elle souhaitait que j’arrête tout.

Me répondant systématiquement par la négative, elle doit être autant que moi imprégnée des valeurs de la République qui doivent être défendues partout et j’avais presque envie de dire surtout au sein des universités dont j’ai rappelé au début de mon intervention à quel point elle a un rôle important dans la construction d’une société plus égalitaire.

Et pourtant en faisant tout cela, alors que je n’ai le sentiment de n’agir qu’en citoyen souhaitant défendre les valeurs de la République, c’est un procès en islamophobie qui m’est fait. On essaie de me salir, de me dénigrer et de me faire passer pour un raciste. On invoque même sur les réseaux sociaux une « chasse aux arabes » orchestrée par le directeur de l’IUT. Vraisemblablement un des plus fervents militants anti raciste de cet IUT, j’avoue que l’attaque m’a souvent affectée. Et finalement celle qui m’a le plus rassuré sur l’image que je renvoie sur ce sujet est une mes étudiantes : Naïma.

Il y a à peine 3 mois, une de mes étudiantes portant le voile se présente en cours et se met au premier rang. Alors que je commence mon cours, elle se lève et ôte son voile. Me voyant étonné, elle décide de prendre la parole en disant qu’elle soutien mon action dans l’IUT, qu’elle connaît mes positions et mes valeurs, qu’elle sait à quel point je me préoccupe de mes étudiants et qu’elle souhaite juste retirer son voile une fois pour me témoigner son soutien.

Tout au long de cette crise, J’ai tout mis en œuvre pour apaiser la situation au sein de mon IUT et en aucun cas je n’ai cédé aux nombreuses tentatives d’intimidation.

Alors qu’on était dans une rupture de service public avérée au sein de ce département, mon seul et unique objectif a été de gérer l’IUT dans le cadre des textes en vigueur, des instances officielles, des options prises par le conseil d’administration de l’IUT et dans le strict respect de la loi.

Depuis un an, j’en appelle les pouvoirs publics à ne pas déconsidérer la situation que nous vivons à l’IUT de Saint Denis. Là aussi, il a fallu user de patience et de détermination mais je suis heureux de vous annoncer que la ministre elle-même se préoccupe aujourd’hui personnellement de notre situation et a commencé à prendre les mesures nécessaires pour nous aider à finaliser le travail d’assainissement que collectivement nous avons entrepris.

Certains ont souhaité anéantir l’IUT de Saint Denis mais en vain. Plus que jamais, nous irons de l’avant, nous nous tournerons vers l’avenir, nous proposerons nos formations à nos futurs étudiants. Afin de bien signifier à ses détracteurs que notre IUT est toujours debout, je vous invite tous le 11 juin prochain à un magnifique colloque que nous organisons à l’IUT de Saint Denis et dont le thème est : « changeons d’époque : la force non violente ». Plus nous serons nombreux ce jour là, plus nous montrerons que nous sommes encore en vie.

Mes amis, c’est dans l’enseignement supérieur que se joue pour une bonne part l’avenir de la société. L’Université est une chance pour le développement des savoirs fondamentaux, pour la recherche, pour notre rayonnement international, pour notre développement économique.

Nos universités et nos grandes écoles ont été longtemps des lieux dans lesquels et grâce auxquels l’ascenseur social fonctionnait. Elles ont largement contribué au rayonnement scientifique de notre pays.
 Alors qu’on évoque l’émergence d’une « société de la connaissance », nos universités, plus que toute autre institution doivent être le vecteur de cette cohésion républicaine, car elle s’adresse précisément à des adultes. De par leur maturité, leur niveau intellectuel, leur niveau d’études, les étudiants devraient être en mesure de comprendre que l’université, lieu d’échange de savoir, de débats, de réflexions, de recherches est par essence un lieu d’ouverture sur d’autres personnes, sur d’autres savoirs, sur d’autres théories. A ce titre là, toute volonté de repli sur soi, sur sa religion, sur ses opinions, sur sa communauté est antinomique avec ce qui fait l’essence même de l’université française.

Si l’université doit donc contribuer au développement personnel des étudiants et être le lieu de la démocratisation du savoir, le comportement de certains étudiants vise précisément à refuser certains de ces savoirs, à imposer leurs visions de la connaissance, souvent d’ailleurs en contradiction avec les théoriciens et chercheurs.

Une nouvelle fois, l’Université française est à un tournant de son histoire. Au moment où se pose la question de son avenir, il me semble essentiel de se poser à nouveau la question de sa mission.

L’université doit, en intégrant pleinement et à tous les niveaux la grande diversité des savoirs, qu’ils soient académiques ou techniques, être le fondement de la cohésion de notre société.
 Et à ce titre, la Laïcité est le socle indispensable à cette cohésion.
Ne pas comprendre ou admettre que la laïcité doit s’appliquer pleinement au sein des universités, c’est prendre résolument le risque de créer une société fractionnée, communautariste, ghettoïsée. C’est alors le modèle de société à la française qui sera remis en cause. Les conséquences ne seront pas internes à l’université, mais généralisée à l’ensemble de notre société.

Je terminerai par une citation de Roger Cousinet et que je fais mienne depuis un an : « si nous étions décourageables, il y a longtemps que nous serions découragés ».
Vous aurez compris, mes amis, que je ne céderai pas et irai au bout de mon combat car pour moi, la laïcité est le ciment d’un vivre ensemble apaisé et surtout d’une société fraternelle.

http://www.laicite-republique.org/samuel-mayol-l-universite.html

BAKHTA ET SES FILLES

BAKHTA ET SES FILLES
d’Alima Arouali
 le jeudi 28 mai 2015 à 20h au cinéma LUMINOR Hôtel de Ville (anciennement Le Nouveau Latina) *
« Cinq soeurs : Aïcha, Malika, Rachida, Horia et moi, Alima. Nous avons entre 50 et 60 ans. Nous sommes les filles de Bakhta et Abdenbi, qui ont quitté l’Algérie pour la France en 1948. Mes soeurs et moi faisons partie de cette génération qui a lutté pour pouvoir travailler, qui a décidé avec qui elle voulait vivre, avoir ou non des enfants, avoir le droit au plaisir, à une sexualité libre… À travers ce documentaire, mes soeurs me racontent comment elles ont résisté, chacune à leur manière, au père, aux maris, à la religion, aux préjugés, afin d’être des femmes libres et de trouver leur place dans la société française. » Alima Arouali.
La séance sera suivie d’un débat avec la réalisatrice.
Découvrez le flyer de la soirée en pièce jointe ou rendez-vous sur l’Agenda du site du Centre en cliquant ici.
* nouveaux tarifs du cinéma
 
Nous espérons vous retrouver nombreuses et nombreux au LUMINOR Hôtel de Ville.
Cordialement,L’équipe du Centre

 UNE LOI QUI ASSURE LA LIBERTE DE CONSCIENCE POUR LA PETITE ENFANCE 

L’Assemblée nationale vient d’adopter en première lecture et à l’unanimité, une proposition de loi stipulant que les établissements et services accueillant des enfants de moins de six ans, peuvent apporter des restrictions à la liberté des salariés de manifester leur religion, sous les conditions prévues par le code du travail. Cette loi si elle est adoptée définitivement, reviendrait à consolider le dernier arrêt de la Cour de cassation sur Baby Loup qui pouvait à tout moment être remis en cause.

Le Collectif laïque n’a cessé d’oeuvrer depuis cinq ans pour que les établissements privés et associatifs soient libres de faire le choix éducatif de la neutralité religieuse en toute sécurité juridique. Il apprécie que soit enfin considéré en priorité l’intérêt des enfants et de leur développement à l’abri des prosélytismes de toute nature, conformément aux conventions internationales concernant les droits de l’enfant.

Il rend hommage à l’équipe de Baby Loup et à sa directrice, Natalia Baleato, dont l’engagement laïque a été sans faille tout au long des épreuves et des incertitudes juridiques passées.

Associations signataires :  COLLECTIF LAIQUE

AEPL Ile de France 

Association des Libres Penseurs de France (ADLPF), 

CAEDEL, Mouvement Europe et Laïcité, 

Comité Laïcité République (CLR), 

Conseil National des Associations Familiales Laïques (CNAFAL), 

EGALE, Egalité-Laïcité-Europe 

Fédération Française « Le Droit Humain » 

Fédération générale des PEP,

Fédération Nationale des Délégués Départementaux de l’Éducation Nationale, 

Grande Loge Féminine de France, 

Grande Loge Mixte de France,

Grande Loge Mixte Universelle, 

Laïcité-Liberté, 

Le Chevalier de la Barre, 

Les Comités 1905, 

Libres MarianneS, 

Ligue du Droit International des Femmes (LDIF), 

Observatoire International de la laïcité, 

Regards de Femmes,

Union des FAmilles Laïques (UFAL)

Comment produire une crise mondiale avec douze petits dessins

Le 30 septembre 2005, le journal danois Jyllands-Posten publie une enquête sur l’autocensure des artistes danois qui comporte des articles et des dessins représentant le Prophète de l’islam. L’un d’eux deviendra l’emblème de l’affaire : il montre la tête de Mahomet coiffée d’un turban contenant une bombe à la mèche allumée. Le caricaturiste vise les justifications coraniques des terroristes, mais il va être accusé d’avoir insulté le Prophète, l’islam, et un milliard trois cents millions de musulmans.

L’auteur a enquêté au Danemark en 2006 et reconstitué les faits avec minutie, depuis les hésitations de la politique danoise d’intégration des immigrés jusqu’à la coalition de quelques imams radicaux, qui s’emparent de la publication des dessins pour internationaliser une crise locale en s’alliant à de hauts responsables égyptiens et moyen-orientaux.

Dans cette nouvelle édition, l’auteur inscrit l’affaire des « caricatures de Mahomet » dans une séquence historique ouverte depuis un quart de siècle par la condamnation à mort du romancier britannique Salman Rushdie en 1989 et poursuivie en 2015 par l’assassinat des collaborateurs du journal satirique français Charlie Hebdo, démontrant comment les conflits sur le droit à la satire et, au-delà, sur le droit à la liberté d’expression, ont aujourd’hui changé d’échelle et de méthode.

Jeanne Favret-Saada est anthropologue, directrice d’études honoraire à l’École Pratique des Hautes Études, section des sciences religieuses. Elle a notamment publié Les Mots, la mort, les sorts (Gallimard, 1977).

Plus de la moitié des Français ne se réclament d’aucune religion

Les attentats de janvier ont ravivé la question de la place du religieux en France. Comment faire cohabiter différentes croyances ? Comment vivre sa religion dans un pays laïque ? L’importance que prend ce débat est d’autant plus paradoxale que la majorité des Français se sentent aujourd’hui loin de toute appartenance religieuse.

Les statistiques ethniques ou sur l’appartenance religieuse étant très encadrées en France, le nombre exact de personnes sans religion est inconnu. Mais plusieurs sondages effectués au niveau mondial et européen en donnent une bonne estimation.

Un tiers des Français « non religieux »

 
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/05/07/une-grande-majorite-de-francais-ne-se-reclament-d-aucune-religion_4629612_4355770.html#rmDh3HTHYThmZk3L.99

Le contraire du « philosémitisme »

Le 8 mai 2015, le PIR (Parti des Indigènes de la République) fête ses dix ans d’existence. Invitée vedette: Angela Davis. C’est l’occasion de revenir sur l’évolution récente des positions de ce courant, et de ses compagnons de route.

Le 7 janvier 2015, douze personnes -dessinateurs et collaborateurs de Charlie hebdo, agents de police, agents de maintenance- étaient massacrées de sang froid par les frères Chérif et Saïd Kouachi.

Le 9 janvier, ce fut le tour de la policière stagiaire Clarissa Jean-Philippe puis des quatre clients juifs de l’épicerie casher de la porte de Vincennes de tomber sous les balles d’Amedy Coulibaly. Les trois assassins prétendaient agir au nom de l’islam.

Le 11 janvier, près de quatre millions de personnes manifestaient ensemble, pacifiquement, leur horreur des massacres, du fanatisme et de l’intolérance; ce fut la plus grande manifestation que la France ait connue depuis la Libération.

Les fausses notes, puis les réserves, la contre offensive enfin ne tardèrent pas. Une semaine après le massacre, Le Monde leur consacrait une double page. On y lisait qu’un « hebdo satirique n’est pas la France », et que « certains usages de la liberté d’expression sont offensants ». D’aucuns réclamaient que le « droit à l’outrance s’applique à tous », et notamment aux négationnistes (Dieudonné, sans doute un oubli, n’était pas cité). Des universitaires lançaient un définitif « Non à l’union sacrée! » (celle du 11 janvier!) laquelle, selon eux, ne servait qu’à « désamorcer les colères sociales ». Des militants du PIR, secondés par des journalistes, proclamaient: « Plus que jamais il faut combattre l’islamophobie ». Le fanatisme, le terrorisme islamiste venaient de tuer 17 personnes; à peine étaient-ils mentionnés, du bout des lèvres, dans l’un des articles: les vrais ennemis s’appelaient union sacrée et islamophobie.

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Bosnia – WOMEN’S COURT to Demand Justice for War Crimes & Protracted Suffering

By Marieme Helie Lucas

 

the Women’s Court on war crimes against women during the war in the 1990’s formally started in Sarajevo, Bosnia.

Women have come together from all the corners of the former-Yugoslavia to participate in the Women’s Court in Sarajevo, to demand justice for the crimes committed against them during the wars and the enduring inequalities and suffering that followed.
> The impressive composition of the organizational committee speaks for the unity and solidarity of women across the national divides that came with the partition of the former Yugoslavia : from Bosnia & Herzegovina: Mothers of the Enclaves of Srebrenica and Zena, Women’s Forum (www.forumzena.org), Foundation CURE (www.fondacijacure.org); from Croatia: Centre for Women’s Studies (www.zenstud.hr), Centre for Women War Victims – ROSA (www.czzzr.hr); from Kosovo: Kosovo Women’s Network (www.womensnetwork.org); from Macedonia: National Council for Gender Equality (www.sozm.org.mk); from Montenegro: Anima (www.animakotor.org); from Slovenia: Women’s Lobby Slovenia (www.zls.si); from Serbia: Women’s Studies (www.zenskestudie.edu.rs), Women in Black (www.zeneucrnom.org)

This, in and by itself, is a huge achievement, at a time when Europe is plagued with the rise of nationalisms, of extreme right forces that divide peoples along ethnic and religious lines ; at a time when attempts are made to homogenize nations and to exclude minorities and diversity ; at a time when even citizens of one country are further separated by the construction of antagonistic ‘communities’.
> Moreover, the organization which has been coordinating this project for the past 5 years is Women In Black-Belgrade, in other words an organization from ‘the aggressor’ country. WIB ‘s leadership and members are welcome as family members and praised throughout the former Yugoslavia for the constant support they extended, at great risks for themselves, to women from other national and ethnic identities, both during and after the wars, till now : the vibrant applause and cheers for WIB-Belgrade at the opening ceremony of the Women’s Court was a living testimony to this strong solidarity bond, and an acknowledgement of the dedication of the organization to the Women’s Court.

The fact that women came together from all the nations of ex-Yugoslavia is not just a powerful show of solidarity across boundaries. It is also a political stand, defying the destructive extreme right forces at work in the region and in the whole of Europe.

The Women’s Court in the former Yugoslavia is deeply different from any other women’s Tribunal that existed so far : its preparation took 5 years, during which an impressive ground work has been done ; it aims at giving back the ownership of the process to victims and survivors ; nothing was spared to allow concerned women to define for themselves the format of this tribunal and the aims it should achieve. Hundreds of meetings were held in towns, cities and villages with groups of women victims, so that they would shape and appropriate the process. WIB-Belgrade ‘s monthly reports of activities, available in their web site, shows the pace at which these meetings took place. At no point was a pre-determined blueprint imported from previous examples of women’s tribunals applied – top-to-bottom – on victims and survivors in ex-Yugoslavia. This is quite a unique model of an extremely respectful and deeply empowering process for victims and survivors.

In the past two years only, the organizing committee organized/produced 11 regional seminars, 10 trainings for the public presentations, 102 public presentations, in 83 towns in the region, 25 documentaries about this topic, 15 meetings (working consultative meetings of OC members, the meeting of the members of The International Consultative Board), 5 regional feminist discussion circles, to deepen their knowledge about the topic, 10 publications (brochures, readers, peace agendas), and numerous leaflets in all the languages of the region (Albanian, BCMS, Macedonian, and Slovenian) .

The Women’s Court will deal with the violence committed during the 1990ies, as well as with the violence committed after the wars, as the preparatory work showed that there is a continuity of the injustice and the violence, which connects the war and the post war period. It will cover ethnically based violence – by the state and in the society- , militaristic violence – in the war against civilians ( as opposed to the classic concept of ’civil war’ in which citizens are taking side, the concept of ’war against civilians’ has been coined by Algerians citizens during the 1990 armed conflict in which they were caught between violence by Muslim fundamentalist armed groups and state repression not targeted by both sides in order to create terror; this concept is now been used in the former Yugoslavia.).

The Women’s Court will specifically look into gender based violence: war crimes of rape including for nationalistic purposes, male violence against women, and political repression of women human rights defenders. It will also make the link with economic violence against women that followed the wars.

Dilemmas and challenges have emerged during the preparatory process of the Women’s Court, mainly around issues of responsibility and accountability: nationalism with its ensuing transfer of responsibility to the «other» and the minimization of war crimes committed « in our name» is an obstacle to a just peace that women committed to fight for.

The subtitle of the Women’s Court: « a feminist approach to justice» is key to understand that this Tribunal will not pronounce verdict and sentences: it will name the crimes and the perpetrators, it will denounce the links between the different forms of violence that women suffer till today in the former Yugoslavia, as a consequence of wars, it will demand justice and, relying on «the power of internationalist women’s solidarity», commits to monitoring the responses from the concerned authorities.

To this effect, women have been invited from various countries in which similar crimes occurred: We already noted the presence of women from Algeria and Argentina ( the well-known Mothers of Plaza di Mayo), and women from India, Palestine, Congo are announced.

Formally opened on May 7 with a huge march across Sarajevo and street performances, the Women’s Court will proceed with the first hearings today May 8. It will certainly be a powerful event. The judgment and conclusions are expected on May 10.

This women’s tribunal is, to my knowledge, the first of its kind. I hope it will serve as an inspiration for the women’s tribunals to come, in other parts of the world.

Emmanuel Todd, intellectuel zombie

Article de Joseph Macé-Scaron

 

Le livre d’Emmanuel Todd, sous le paravent fallacieux de la critique du « néorépublicanisme » et de ce qu’il nomme le « laïcisme radical », est une tentative assez inédite de délégitimer, de flétrir et de diffamer le 11 janvier 2015, ce sursaut citoyen et populaire. On a hâte de connaître le nom de son fournisseur…

Cahiers de doléances : La laïcité, jusqu’où ?

Dans ce nouveau numéro de Cahier de doléance, Caroline Fourest aborde le contournement de la 1905 pour accompagner la création de lieux de cultes, la reconfessionnalisation de villes comme Saint-Denis, la question des menus séparés ou des accompagnantes scolaires, mais aussi sur la question — moins souvent posée — des établissements confessionnels sous influence intégriste, catholiques et musulmans, malgré leurs contrats avec l’Etat.

 

Certains en parlent et lui font dire ce qu’elle ne dit pas. Certains parlent de laïcité « positive », d’autres « excluante ». Elus, citoyens, intellectuels s’opposent et se divisent sur le sens à lui donner.

Dans ce nouveau numéro de Cahier de doléance, Caroline Fourest aborde le contournement de la 1905 pour accompagner la création de lieux de cultes, la reconfessionnalisation de villes comme Saint-Denis, la question des menus séparés ou des accompagnantes scolaires, mais aussi sur la question — moins souvent posée — des établissements confessionnels sous influence intégriste, catholiques et musulmans, malgré leurs contrats avec l’Etat.

Rendez-vous à l’Observatoire de la laïcité avec son président Jean-Louis Bianco et l’un de ses membres, Patrick Kessel. Avec Jacqueline Costa-Lascoux, directrice de recherche au CNRS. Avec le maire de Saint-Denis et des militants laïques de la ville ayant fui l’islamisme en Algérie. Avec une déléguée de la FCPE favorable à ce que des mères puissent accompagner les sorties scolaires avec leur voile. Puis nous croisons les regards de députés : Christophe Caresche du PS et Christian Kert de l’UMP.

 

 

Dieudonné, le fond Dutroux

La défense de la liberté d’expression de Dieudonné a été une cause unificatrice ces dix dernières années. L’extrême-droite n’a pas été la seule à affirmer qu’on avait le droit de tout dire. Tout un pan de la gauche, tout en condamnant les saillies les plus caricaturales du politique néo-nazi, a toujours répété que la loi ne devrait pas sanctionner des paroles. D’autres admettaient une condamnation judiciaire, mais pas les mesures permettant de faire cesser immédiatement des appels réitérés et prévisibles à la haine raciale.

 

Depuis le lundi 4 mai , sur le site « Quenel Plus » de Dieudonné, s’affiche ce qui est présenté comme un entretien avec Patrice Alègre, actuellement détenu à la centrale de Poissy pour cinq meurtres, une tentative de meurtre et six viols qu’il a reconnus. Dieudonné affirme depuis plusieurs années animer un « atelier » dans cette centrale avec d’autres personnes condamnés pour meurtres et tortures , dont Germain Gaiffe, présenté comme le directeur de publication de Quenel Plus. Depuis quelques semaines, il annonçait son rapprochement avec Patrice Alègre.

 

Apocryphe ou non, le contenu de cet « entretien » est difficilement soutenable à la lecture. Dans un premier temps, le texte s’attaque à l’enfant en situation de handicap de Laurent Louis, politicien antisémite belge avec lequel Dieudonné s’est récemment brouillé pour une affaire de gros sous liée au lancement d’une entreprise baptisée l’Ananassurance. « Morte née accrochée au fion de sa mère », « cancrelat tout désarticulé », «  baignant dans sa pisse et dans ses excréments » sont quelques uns des qualificatifs utilisés. Dans la suite du texte, l’auteur appelle au meurtre à coup de pelle de l’enfant. Dans la suite de l’article, c’est l’assassinat récent d’une petite fille violée qui est évoquée dans des termes tout aussi insoutenables, accompagnés du prénom de l’enfant.

 

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L’association MEMORIAL98, qui combat contre le racisme, l’antisémitisme et le négationnisme a été créée en janvier 1998, lors du centenaire de l’affaire Dreyfus.  

Son nom fait référence aux premières manifestations organisées en janvier 1898, pendant l’affaire Dreyfus, par des ouvriers socialistes et révolutionnaires parisiens s’opposant à la propagande nationaliste et antisémite.

Ce site en est l’expression dans le combat contre tous les négationnismes

(Arménie, Rwanda, Shoah …)