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Un mouvement « prochoix » ? Pourquoi et sur quelles bases ? (Claudie Lesselier)

Les mouvements anti-IVG qui s’auto-désignent « pour la vie » animent en fait un combat pour le maintien ou la restauration d’un ordre naturel et divin qui est à l’opposé de tout projet d’émancipation et de libération. Pourtant les mouvements provie ainsi que le FN ou la droite extrême ne prétendent-ils pas défendre une liberté de choix : « choix » de rester au foyer pour les femmes, « choix » de l’école privée pour les parents etc… Ils combinent dans un discours à géométrie variable « libéralisme » (au sens du libéralisme économique) et encadrée dans les structures dites « naturelles », comme la famille, et les appartenances, dites aussi naturelles (ethniques, nationales…), repliée sur elle même contre la menace du « mondialisme », nourrie de l’héritage du corporatisme et poursuivant la recherche de cette fameuse « troisième voie » nationale et sociale qui fût celle du fascisme. Le néo-libéralisme, doctrine et pratique du tout-marché, du tout marchandise, du « laisser faire-laisser passer » et de la dérégulation peut quand à lui mettre en avant le thème du choix, de la liberté, de l’individu et de ses droits. Mais est-ce dans le même sens que nous ?

Pour les libéraux, la liberté et le choix s’inscrivent dans le cadre d’une société inégalitaire fondée sur la recherche du profit et le pouvoir du plus fort et du plus riche, et le droit de l’individu s’exerce contre la solidarité et l’intérêt collectif. Cette rhétorique, de plus, ne va pas jusqu’au bout de sa logique (que font-ils contre la norme hétérosexuelle ? Que font-ils pour combattre les rapports de dépendance dans la sphère dite privée ?), en tous cas en Europe où n’existe guère un courant semblable à celui des « libertariens » américains. Et même si c’était le cas, cela ne changerait rien à la question de fond. Pour nous la liberté de choix implique l’égalité des droits et des chances, l’autonomie de l’individu, et cela dans une égale participation à la construction et à l’évolution de la société. La liberté est une aspiration revivifiée après les dérives du courant autoritaire du socialisme : le libéralisme n’est pas la liberté, tout au plus celle de la minorité privilégiée, celle des maîtres. Autour du combat pour le choix, dans tous les domaines et avec les moyens de choisir, dans l’égalité, contre les prétendues contraintes « naturelles » (qui sont en fait la construction sociale et culturelle de la domination). Il est possible, mais à condition de bien se démarquer du libéralisme, de contribuer à construire une alternative à la société oppressive, inégalitaire, injuste que nous connaissons.

Claudie Lesselier, co-éditrice avec Fiammetta Venner de L’extrême droite et les femmes (Golias).

mercredi 12 novembre 1997