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Comment la presse russe récupère (aussi) la Marche du 8 mars.

RT France et Sputnik sont les deux médias phare du gouvernement de Poutine en France. Financés par le Kremlin, ils proposent une vision « alternative » de l’actualité dans la droite ligne conservatrice de Moscou. De nombreuses fois épinglés pour la publication d’articles ou de vidéos complotistes, ces outils de « soft-power » russes inquiètent jusqu’au Parlement Européen qui a adopté en 2016 une résolution « visant à contrer la propagande dirigée contre elle par des tiers ». La résolution européenne mentionne explicitement RT et Sputnik et les accuse directement « de s’attaquer aux valeurs démocratiques, de diviser l’Europe et de donner l’impression que les États du voisinage oriental de l’Union européenne sont défaillants ».

On peut donc légitimement douter de l’engouement de ces deux médias pour les revendications féministes défendues lors de la marche du 8 mars à Paris.

Mais la crise des Gilets Jaunes qui s’étend depuis 2018 est passée par là. Depuis, RT France et Sputnik sont devenus de fidèles relais des débordements de rue lors de manifestations en France, diffusant abondamment des vidéos choc de vitrines brisées et de manifestants Gilets Jaunes blessés. Deux figures des Gilets Jaunes, Jerôme Rodrigues et Maxime Nicolle (adeptes de théories complotistes), bénéficient d’innombrables interviews et plateaux-TV organisés par ces deux médias pour marteler leurs revendications et commenter l’actualité.

Ainsi, plus encore que les chaînes d’info en continu, RT et Sputnik ont compris l’intérêt de capitaliser sur les images d’affrontements. Leur potentiel est énorme. Il permet à la fois, par son caractère sensationnel, de gagner en audience, mais surtout de présenter la France comme étant au bord du chaos, et de faire passer le modèle russe pour le défenseur des revendications du « peuple ».

Regardons de plus près la page d’accueil de RT France en ce lundi 9 mars 2020.

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Deux articles concernant la marche du 8 mars figurent en très bonne place.

La dégradation imbécile par des féministes d’une plaque commémorative d’élèves juifs déportés, où l’inscription « fraternité » de la devise républicaine a été rayée pour être remplacée par « adelphité », fait les choux gras de RT dans l’onglet « POLEMIQUE ». On a pourtant connu la chaîne du Kremlin moins sensible à la défense des valeurs républicaines et à la lutte contre l’antisémitisme.

Dans l’onglet « CHOC », toujours en page d’accueil, on retrouve un long article comprenant des vidéos d’affrontement entre le collectif Némésis (femmes anti-immigration) et des militants du collectif Antifa Squad (issu du mouvement antifa d’ultra-gauche). Ces derniers ont revendiqué sur leur page Facebook avoir porté « coups, vols de banderoles et slogans » contre le Collectif Némésis pour les empêcher de défiler. Evidemment, la chaîne RT ne présente pas le Collectif Némésis comme un collectif d’extrême-droite aligné sur les positions des identitaires et elle relaie abondamment les propos d’une de leur porte-parole, ravie de pouvoir présenter des femmes anti-immigration comme des victimes de la violence d’extrême-gauche.

Un autre article de RT, non présent sur la copie d’écran ci-dessus, décrit la journée du 8 mars en insistant sur ces affrontements, puis conclut sur une action la Manif pour Tous, qui a voulu profiter de la Journée des Droits des Femmes pour son propre agenda : « A l’occasion de la Journée de la femme, La Manif pour tous a elle aussi mené une action devant l’Assemblée nationale, pour faire entendre son opposition à l’ouverture de la PMA «sans père» et à la GPA ». 

De son côté, Sputnik a profité de la manifestation du 8 mars pour parler presque exclusivement de « violences policières » en France, dans deux articles intitulés « Une charge policière brutale contre la «Marche féministe» à Paris – vidéos » et « Droits des femmes: des manifestantes mobilisées contre les violences sexuelles et policières ».

Il est indéniable que les images de militantes féministes encerclées, puis chargées par les CRS et forcées de descendre dans le métro à la station République sont à la fois révoltantes pour le public et catastrophiques pour le gouvernement. Ces actions se sont produites dans la nuit du 7 au 8 mars 2020, lors de la Marche Nocturne, précédant la grande marche internationale du lendemain.

Vu de l’angle féministe, on est écœurées de voir des femmes être rappelées à l’ordre une veille de journée de revendications. De l’angle des militantes antifas présentes en tête de cortège ce soir là, criant en cœur « tout le monde déteste la police », « police : violeurs, assassins », on a pu hurler son point de vue radical et on s’est donné quelques frissons. De l’angle de la Préfecture de Police de Paris, on a maintenu l’ordre face à des manifestantes qui n’ont pas respecté l’appel à la dispersion prévu à 22h et qui ont « délibérément provoqué les forces de l’ordre et perturbé le déroulé de l’événement ». De l’angle de RT France et de Sputnik, on a juste vu ces images comme du pain béni, qu’on s’est empressé de diffuser sans aucun contexte.

La confusion dans les esprits est telle que des militantes comme une porte-parole des Effrontées ou des collectifs féministes comme NousToutes n’hésitent même plus à s’exprimer sur RT France ou à relayer un de leurs journalistes. Croyant peut-être voir dans leur intérêt pour les affrontements violents du 8 mars des velléités féministes, elles jouent le rôle d’idiot utile, déjà si cher à l’époque de l’URSS.

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Il suffit pourtant de quelques clics pour vérifier l’engagement « féministe » de ces médias. Le mois dernier, Sputnik faisait la promotion de l’islamologue russe Natalia Tambieva dans plusieurs articles, dont un qui a le mérite d’avoir un titre évocateur : « L’homme, un tuteur de la femme? Vision alternative d’une féministe musulmane ». Lorsqu’elle commente des passages du Coran où il est écrit que «Les hommes ont une autorité sur les femmes», «Les femmes vertueuses sont obéissantes à leur mari», «Quant à celles dont vous craignez la désobéissance […] éloignez-vous d’elles dans leurs lits et frappez-les», Natalia Tambieva affirme qu’il s’agit ici « tout de même d’un partenariat » entre les sexes. Quant à RT, on ne compte plus ses articles moquant les initiatives féministes racialistes, comme le discours d’Aïssa Maïga lors de la Cérémonie des Césars « C’était toi le renoi» : aux César, le discours «antiraciste» de l’actrice Aïssa Maïga fait un bide ».

Les abus de pouvoir par la police sont souvent une réalité, qu’il faut continuer de surveiller et de dénoncer pour contre-balancer toute tentation autoritaire, peu importe le gouvernement. Néanmoins, les scènes de dégradations urbaines venant de féministes ne convaincront jamais personne. Le féminisme s’est toujours honoré d’avoir été un mouvement joyeux et progressiste, visant l’émancipation des femmes. Il a gagné de nombreuses batailles, mais le chemin est encore long pour convaincre. S’il est aveuglé par la tentation de l’affrontement direct et de la lutte intersectionnelle et différentialiste, il peut conduire à des partenariats involontaires avec les premiers promoteurs du conservatisme, dont les médias russes sont un exemple concret.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Un 8 mars laïque et universaliste, partout dans le monde, même dans le 20ème !

La récupération de mouvements sociaux par des forces conservatrices ou obscurantistes est une constante. En matière de féminisme, elle est parfois spectaculaire. Ce qui vient de se produire en mairie du 20eme arrondissement de Paris en est un exemple.

GARDEZ-MOI DE MES AMI-ES, MES ENNEMI-ES JE M’EN CHARGE

La maire, Frédérique Calandra, avait confié à son adjointe en charge de l’égalité Femmes/Hommes la programmation d’événements autour du 8 mars, Journée Internationale des Femmes.

Bien mal lui en a pris !

Cette élue EELV n’a pas hésité à flirter avec des idéologies éloignées de l’émancipation des femmes dont le relativisme culturel et le « féminisme dit- pro-sexe ».

Oubliant qu’elle représentait la mairie, l’élue EELV a choisi de transformer la semaine du 8 mars en semaine de promotion exclusive de thèses et personnalités particulièrement polémiques, pour la plupart engagées depuis longtemps aux côtés des Indigènes de la République (PIR), du site Les mots sont importants et dans la lutte contre la loi 2004 sur le port des signes religieux à l’école :

– Christine Delphy et Sylvie Tissot, sociologues, sont toutes deux initiatrices du premier Manifeste (2005) des Indigènes de la République ; elles sont en outre signataires du manifeste de soutien aux Y’a bon Awards décernés (pour « racisme ») à Caroline Fourest en 2012.

– Rokhaya Diallo est animatrice des Indivisibles, groupe à l’origine de ce prix.

– Ndella Paye est porte-parole d’un collectif de mères voilées militant pour l’abrogation de la circulaire Chatel.

BONJOUR LE 8 MARS !

Quelques semaines après les assassinats des journalistes de Charlie Hebdo, on peut s’étonner qu’une élue choisisse d’offrir un plateau totalement monochrome à des personnes qui ont signé un texte « contre le soutien à Charlie Hebdo » après le premier attentat de 2011.

Partout dans le monde, la Journée Internationale pour le Droit des Femmes est un moment privilégié où les féministes échangent sur leurs revendications, pratiques et stratégies d’émancipation. Militantes, chercheuses, politiques impliqué-es contre les violences sexistes et pour l’égalité entre les sexes, sont invité-es à faire le point et lancer de nouveaux programmes pour battre en brèche la domination masculine et le patriarcat.

C’est l’occasion d’une solidarité internationale avec les femmes qui se battent contre l’oppression des religions d’état ou des groupes fondamentalistes.

Aussi, détourner le 8 mars pour promouvoir des personnalités controversées parce qu’elles ne trouvent rien à redire ni aux pressions de l’arbitraire religieux imposées aux femmes, ni aux violences du système prostitutionnel, est pour le moins manipulatoire.

MÊME PAS PEUR !

Nous saluons l’annulation de cette programmation, acte lucide et courageux de la Maire du 20e arrondissement de Paris.

Nous connaissons la propension de certains groupes à confisquer la parole des féministes et des partisanes de la laïcité; et leur aptitude à se victimiser à la moindre occasion.

Nous savons la violence avec laquelle Caroline Fourest fut interdite de parole lors d’un débat sur le danger du Front National à la fête de l’Humanité.

Nous avons déjà supporté insultes et intimidations proférées par les ami-es de Rokhaya Diallo, issu-es d’un pseudo « syndicat de travailleurs du sexe » pro-système prostitutionnel.

Face à cette nouvelle tentative de récupération et de dévoiement de la Journée Internationale de lutte pour les droits des femmes, nous, féministes universalistes, laïques, engagées pour l’égalité femmes/hommes, contre le racisme et l’antisémitisme, nous apportons tout notre soutien à Frédérique Calandra, maire du 20eme arrondissement de Paris.

La mise au point de la Maire du 20ème Frédérique Calandra :

https://www.facebook.com/frederique.calandra/posts/10153165530037948?fref=nf&pnref=story#

Arlette Zilberg, Christine Le Doaré

Les premières signataires, issues du Mouvement des Femmes :

Annie Sugier, Djemila Benhabib, Michèle Loup, Françoise Morvan, Monique Dental, Nadia Benmissi, Bernice Dubois, Marie-Joseph Bonnet, Jacqueline Feldman, Martine Cerf, Marieme Helie Lucas, Laure Caille, Isabelle Steyer, Nadine Bouteilly, Ana Pak, Agnès Setton, Josiane Doan, Anaïs Decans, Irène Corradin, Mair Verthuy, Sporenda…