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Affaire Mila : quand les pleutres continuèrent d’être lâches.

Le  19 janvier 2020, Mila, une adolescente de 16 ans, publie sur son compte Instagram une réponse vidéo à un jeune homme qui, après avoir été plus qu’insistant avec elle, lui envoie des insultes homophobes telles que « sale lesbienne » en invoquant sa religion.  Mila l’éconduit et lance alors :  » Je déteste la religion […], le Coran, il n’y a que de la haine là-dedans, l’islam, c’est de la merde, c’est ce que je pense. Je ne suis pas raciste, pas du tout. On ne peut pas être raciste envers une religion. […] Votre religion, c’est de la merde, votre Dieu, je lui mets un doigt dans le trou du cul, merci, au revoir ».

Ce qui aurait pu rester une affaire d’homophobie inconnue du grand public prend des proportions inquiétantes au fil des jours. Mila reçoit une pluie d’insultes sur les réseaux sociaux, la plupart au nom du Coran, accompagnées d’un nombre de menaces de mort et de viol qui ne cesse de croître.

Le parquet de Vienne dans l’Isère se saisit de l’affaire et décide évidemment de classer sans suite la procédure contre Mila pour « provocation à la haine à l’égard d’un groupe de personnes », le délit de blasphème n’existant pas dans le droit français. En revanche, l’instruction se poursuit concernant le harcèlement et les menaces homophobes et sexistes dont elle est victime. L’adolescente a du être déscolarisée et reste actuellement dans l’attente d’une solution de la part du rectorat.

Face à cette situation inédite dans un pays pourtant laïc comme la France, plusieurs personnalités et associations se sont illustrées par leur absence d’empathie avec Mila, d’absence d’attachement au droit inaliénable à la liberté d’expression, notamment lorsqu’il s’agit de critiquer la religion, ou de relativisme douteux.

Florilège :

  • Nicole Belloubet, ministre de la Justice, au micro d’Europe 1 : « Dans une démocratie, la menace de mort est inacceptable. cela vient rompre avec le respect que l’on doit à l’autre (…). L’insulte à la religion c’est évidemment une atteinte à la liberté de conscience, c’est grave, mais ça n’a pas à voir avec la menace (de mort, ndlr) ».

Devant le tollé, Nicole Belloubet reconnaîtra ensuite une « maladresse« , l’insulte à la religion n’existant pas en France…

  • Feïza Ben Mohamed, porte-parole de la plateforme L.E.S. Musulmans et chroniqueuse sur France Maghreb, sur Twitter : « Nicole Belloubet a parfaitement raison et vous le savez tous. L’insulte à la religion doit être sanctionnée. Mila ou pas Mila c’est pareil.
  • Ségolène Royal, future candidate en 2022 ?, sur France 3 : «Critiquer une religion, ça n’empêche pas d’avoir du respect. Ça n’empêche pas d’avoir de l’éducation, de la connaissance, d’être intelligent par rapport à ce qu’on dit (…) Une adolescente, qui est peut-être encore en crise d’adolescence, si elle avait dit la même chose sur son enseignant, sur ses parents, sur sa voisine, sur sa copine, qu’est-ce qu’on aurait dit ? On aurait dit simplement: «un peu de respect », ajourant qu’elle n’aurait « absolument pas » partagé le mot clé #JeSuisMila.

Des propos plutôt cohérent pour une personne qui trouvait « inadmissible qu’on insulte l’image sacrée du prophète musulman » lors de la publication des caricatures de Mahomet par Charlie Hebdo, et qui affirmait qu' »aux yeux des garçons, le string réduit des jeunes filles à leur postérieur (…) après on s’étonne que les adolescentes soient victimes d’attouchements ou de violence sexuelle ». 

  • Jean Michel Apathie, sur le plateau de C l’Hebdo du France 5 : « je ne suis pas Mila, je suis résolument Ségolène, son analyse me paraît plus juste et plus sage que toutes celles que j’ai entendues ».
  • Abdallah Zekri, délégué général du CFCM (Conseil Français du Culte Musulman) au micro de Sud Radio: « Je dis que cette fille, elle sait très bien ce qu’elle fait, a-t-il notamment déclaré. Qui sème le vent récolte la tempête. » Même s’il rappelle qu’il est « contre le fait qu’on menace [Mila] de mort », il persiste : « Cette fille, elle sait ce qu’elle a dit. Elle a pris ses responsabilités. Qu’elle critique les religions, je suis d’accord, mais d’insulter et tout ce qui s’ensuit… Maintenant, elle assume les conséquences de ce qu’elle a dit. », « Est-ce qu’on lui a dit ‘sale française’ ? Ou est-ce qu’elle le dit pour se faire plaindre ? Vous la croyez, cette fille-là ? Moi je ne la crois pas. » Lorsqu’une invitée lui fait remarquer qu’on ne peu pas dire que Mila n’a que « ce qu’elle mérite », il renchérit : « Si, je le dis. Elle l’a cherché, elle assume. Les propos qu’elle a tenus, je ne peux pas les accepter. »

Rappellons qu’après les attentats de Charlie Hebdo, Abdallah Zekri s’était offusqué de la Une de Charlie Hebdo représentant le prophète Mahomet effondré : « ça va mettre de l’huile sur le feu ! ». 

  • Ibrahim Maalouf, trompettiste, sur Twitter : « On est tous d’accord que ces propos honteux ne méritent en aucun cas des menaces de mort. Il faut absolument dénoncer et condamner. Cependant, quand j’entends @ZinebElRhazoui dans @cavousf5: «Mila pour moi c’est un modele pour la jeunesse française, c est une fille qui a tout compris à ce qu’est l’esprit de l’universalisme, l’esprit des lumières.» Je suis scandalisé. C’est de l’incitation à la haine. Encourager l’immoral au prétexte que c’est légal, c’est de la démagogie dangereuse. C’est ce qu’ont fait certains à l’époque de Matzneff ou ce que défendent les exilés fiscaux, pour prendre 2 exemples différents. Pitié, battons nous pour les vraies valeurs ».

Ibrahim Maalouf a été condamné en 2018 à quatre mois de prison avec sursis pour agression sexuelle sur mineure.

  • Marie Kirschen, rédactrice en chef des Inrocks lorsque le site Arrêt sur Images lui demande pourquoi le sujet n’est pas traité aux Inrocks (ni à Mediapart ou encore Télérama) : « Les quelques personnes qui pouvaient écrire sur cette affaire-là étaient déjà occupées à d’autres choses ». Marie Kirschen ajoute : « On s’est vraiment recentrés sur la culture il y a un peu plus d’un an, il y a beaucoup moins de papiers sur des thématiques sociétales ou politiques ».

Un coup d’œil sur le site des Inrocks permet de voir que les sujets politiques et d’actualité sont pourtant bien présents dans l’hebdomadaire (Coronavirus, débats à l’Assemblée Nationale sur la nouvelle loi retraite…).

  • Osez le Féminisme, via sa porte-parole Alyssa Ahrabare interrogée lors de l’émission des Grandes Gueules de RMC : « C’est un sujet sur lequel on a choisi de ne pas se prononcer », » c’est des questions qui sont extrêmement complexes ».
  • Odon Vallet, historien des religions, sur CNews : « En 2005 lorsqu’il y a eu les caricatures dans les journaux danois, j’ai annoncé des attentats, il y a eu des attentats au Pakistan contre les intérêts du Danemark, et j’ai dit, si on fait pareil en France dans dix ans vous avez des morts, et il y a eu Charlie Hebdo. Je vous annonce aujourd’hui (…) que si on continue comme ça on aura prochainement des attentats contre des français en France ou dans des pays d’Afrique ». Jean-Marc Morandini demande alors « si on continue quoi ? Odon Vallet répond: « si on continue à injurier l’Islam ».
  • Edwy Plenel sur France 5 : « je suis liberté, et la liberté c’est la liberté de dire aux gens ce qu’ils n’ont pas envie d’entendre (…) et donc de blasphémer mais (…) il y a beaucoup de violence sur internet, et la violence qu’elle a provoquée et qu’elle subit en est un exemple, mais je rappellerais un autre cas, la chanteuse Mennel qui elle, a été lapidée de manière unique au nom cette fois-ci d’attaques qui étaient de stigmatisation de l’Islam la visant elle ».
  • Christophe Frot, animateur sur France Maghreb, au micro de C8 lors de l’émission Balance Ton Post : « le droit au blasphème ça existe (…) par contre quand elle dit je vais mettre un doigt dans le cul de votre Dieu (…) à qui elle s’adresse Mila ? C’est aux musulmans qu’elle s’adresse, ces mêmes musulmans qui se sentent stigmatisés à longueur de journée (…) c’est juste intolérable, je ne suis pas Mila », »Cette demoiselle, elle a eu ces propos, le lendemain elle n’hésite pas à lancer une cagnotte en demandant 15000 euros pour enregistrer un disque, est-ce que c’est pas conscient tout ça ? »(une cagnotte a été lancée par un inconnu pour la soutenir, avant d’être rapidement fermée…), « je condamne les menaces qu’elle reçoit, et je condamne évidemment de toutes mes forces ses propos ».
  • Philippe Marlière, ancien militant au NPA puis au Front de Gauche, professeur à University College de Londres, sur Twitter : « le blasphème est souvent un acte religieux, un acte aussi sectaire et intolérant que la diabolisation de l’athéisme par certains déistes », « le « droit au blasphème » c’est essentiellement revendiquer le droit de tenir des propos racistes et sexistes sans s’exposer à la condamnation de la justice », « en l’absence d’oppression, le blasphème exprime non pas une critique des religions mais la haine des minorités: en France, avant tout un racisme anti-Arabes ».
  • Nabilla, star de télé-réalité puis chroniqueuse sur C8, sur Twitter (plus de 2,7 millions d’abonnés) : emoji vomi, liké plus de 61000  fois, en réponse à l’interview de Mila dans l’émission Quotidien.
  • Raquel Garrido, ex porte-parole de La France Insoumise, chroniqueuse dans l’émission Balance Ton Post sur C8 : « Pourquoi est-ce que le gouvernement et les élites politiques se saisissent de la question religieuse en ce moment, c’est pour qu’on arrête de parler du plus grand mouvement social depuis l’après guerre (…) vous êtes complices, même à votre dépens, d’une grande opération de diversion ».
  • Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, au micro de Jean-Jacques Bourdin sur RMC : « injurier une religion comme elle l’a fait, je me suis mis à la place des musulmans (…), je me serais senti blessé. En même temps, dans notre pays qui est un république laïque le droit de critiquer une religion doit être préservé (…) on doit avoir le droit de critiquer une religion, on droit pouvoir la respecter », « Cette jeune fille, ce qu’elle a dit, ce n’est pas admissible, en même temps, les menaces de mort qu’elle subit, ce n’est pas admissible ».
  • Révolution Permanente, qui se définit comme un site d’information d’extrême-gauche, lié au NPA : « Résumons les faits. L’affaire tourne autour de… l’islam (ça faisait longtemps). Une lycéenne de 16 ans a tenu des propos réactionnaires contre l’islam dans une vidéo live, la qualifiant de « religion de violence ». »Le fait est que Mila, consciemment ou non, du haut de ses 16 ans, véhicule un discours haineux. Évidemment, ça ne légitime en rien le harcèlement, ni les menaces de mort, ni les insultes lesbophobes et misogynes qu’elle a reçu. Ces actes sont intolérables, il n’y a pas de doute la dessus. Mais là n’est pas la question. »
  • Yassine Belattar, humoriste, sur C8 dans l’émission Touche Pas à mon Poste : « Moi je peux concevoir que hier elle a fait des erreurs d’une fille de 16 ans, moi si on me donnait un micro à 16 ans j’aurais dit de la merde. Et moi je comprends pas que cette fille là, aujourd’hui y’a des gens qui commencent à lui donner… Je suis triste pour elle parce qu’à 16 ans, être l’incarnation du FN, du Printemps Républicain, et des gens qui sont toute l’année mal intentionnés concernant une religion par définition. Et surtout pour conclure là dessus, ça commençait à s’éteindre un peu le feu autour de l’Islam, c’est à dire que ça faisait semaines qu’on en parlait pas à cause des mouvements sociaux, on était plus « gilets jaunes », « grève », et en fait grâce à Mila, à cause de, ils ont trouvé un cheval de Troie à tout cela ».
  • Damien Abad, président du groupe LR à l’Assemblée Nationale, sur LCI : « je souhaite la liberté d’expression la plus totale, mais je dis que quand cette liberté d’expression est détournée pour créer de la aine anti-religieuse, alors oui, il y a une barrière à mettre », «  »Il faut sanctionner tous ceux qui ont insultés et menacés de mort Mila mais la manière dont elle s’est exprimée, avec beaucoup de vulgarité, n’est pas acceptable ».
  • Ni Putes Ni Soumises, mouvement féministe, sur Twitter : « Même si nous sommes attachés au droit à blasphémer, @mouvement_npns condamne toute insulte envers quelque communauté ou croyance que ce soit. Mais pour autant, rien ne vient justifier le harcèlement et les menaces de mort », avant de préciser :  « Alors pour être précis, même si elle en a le droit, ce qu’a dit Mila était à notre sens contre-productive dans l’optique du vivre-ensemble- Elle le reconnaît elle-même. Mais cela ne justifie ni les menaces ni le harcèlement : nous la soutenons dans cette épreuve ».
  • Alain Finkielkraut sur le plateau de BFM TV : « Je ne dirai pas « je suis Mila » (…) là c’est pas de la vulgarité, c’est du dégueulis verbal » avant de rectifier plus tard « devant le déferlement d’ignominie sur Mila et la démission qui l’accompagne, je soutiens à fond cette jeune fille ».
  • Brice Hortefeux, ancien ministre et actuel député européen LR, au micro de BFM TV : « les propos de cette adolescente sont inutilement agressifs et injurieux », et, en même temps, « la justice doit réagir très rapidement et très fermement (pour condamner les appels au viol et au meurtre ».

En revanche, il est à noter que la chroniqueuse Rokhaya Diallo, pourtant connue pour son militantisme anti-raciste complaisant avec l’Islam politique, a défendu Mila contre les menaces de mort et de viol ainsi que son droit au blasphème. Si même Rokhaya Diallo a plus de courage que les responsables politiques ou associatifs cités ci-dessus…