Difficile de décrire la nausée ressentie en voyant le buzz autour de l’article indécent du Parisien. Des faits connus des proches de Charlie, anodins ou personnels, présentés de façon étonnante, une titraille sensationnaliste, complotiste, et voilà la machine à délires relancée… Décidément, rien n’aura été épargné à la famille de Charb, ni à ses amis.
Les faits sont simples. Inquiets pour la survie du journal, Charb et d’autres dessinateurs du journal ont rencontré quelques mécènes grâce à des contacts qui n’ont rien ni de « mystérieux » ni de honteux, dans l’espoir d’obtenir des dons pour une association de soutien à Charlie (sans lien avec la trésorerie et donc en dehors du journal, pour préserver son indépendance). Cela n’a rien donné. Par contre, la souscription que Charb avait lancée auprès des lecteurs a marché. Le journal allait mieux.
Cela n’a évidemment rien avoir avec l’attentat. Pas plus que l’histoire au domicile de Charb, qui n’est pas un cambriolage.
A quoi rime cet étalage de faits tronqués, sortis de leur contexte, sans liens entre eux ?
Je suis sûre que l’un des clients de l’Hyper Casher a aussi croisé, sans doute, une fois dans sa vie, un mécène, peut-être même un mécène du « Proche Orient ». L’une des victimes décédées a peut-être eu aussi un proche venu récupérer des affaires à son appartement sans le dire à d’autres…
De là à penser que l’hyper Casher est un complot financier impliquant des mécènes du « Proche Orient » (pourquoi pas un coup du Mossad tant qu’on y est ?)…
De là à formuler l’hypothèse que la piste islamiste n’est qu’une « thèse »… Comme si Coulibaly n’était pas islamiste, comme s’il n’avait pas prêté allégeance à l’Etat islamique, comme s’il n’avait pas de compagne ayant fui en Syrie pour rejoindre l’organisation terroriste, comme s’il ne connaissait pas les frères Kouachi, comme s’ils n’étaient pas non plus islamistes, comme si aucun d’eux n’avaient tué ceux qu’il ont tués…
Même si nous en savons déjà beaucoup, on a le droit d’exiger toujours plus de détails sur l’enquête. De là à déclarer que « la vérité est encore loin », il y a un pas que des êtres très malheureux peuvent franchir dans l’intimité de leur détresse, mais pas en public. Pas dans la rubrique « faits divers » de journaux assoiffés de rumeurs.
La sanction est cruelle. Régaler ceux qui rêvent de disculper les terroristes ayant assassiné nos amis. Nourrir le cerveau malade de ceux qui dansent, depuis le premier jour, sur les cadavres de ceux qu’on pleure.
Caroline Fourest