La manifestation historique en réponse aux attentats de Charlie Hebdo de janvier 2015, réunissant plus de 4 millions de français dans la rue, a laissé amers certains éternels adeptes du laïcité-bashing. Entendre des manifestants scander « Je Suis Charlie », sentir cette compassion et ce soutien spontané et non-violent envers ces 12 personnes assassinées de sang-froid a en effet de quoi les irriter.
Il était donc prévisible qu’une fois passées ces démonstrations de solidarité, des voies discordantes allaient profiter de l’espace médiatique (télévision ou radio pour les plus connus, mais aussi les réseaux sociaux) pour reprendre les attaques contre Charlie Hebdo. Emmanuel Todd et ses « catholiques zombis » dans Qui est Charlie ? est certainement un des meilleurs ambassadeurs de cette gauche islamo-complaisante. Le refrain « je suis contre ces attentats… MAIS ils l’ont quand même un peu cherché » prend peu à peu de l’ampleur et de l’espace.
Au-delà de ces attaques qui confondent victimes et terroristes, qui ont au moins le mérite d’être reconnaissables, d’autres attaques plus sournoises et moins directes prennent place. Et bizarrement, elles viennent le plus souvent des spécialistes de la rhétorique du « deux poids, deux mesures » entre le traitement médiatique ou judiciaire des musulmans (qu’ils considèrent toujours forcément opprimés, même les plus extrémistes), et les laïcs (ou les Juifs).
Il s’agit pour ces personnes de dénoncer les partisans du « Je Suis Charlie », qui ne seraient selon eux en faveur de la liberté d’expression que lorsqu’il s’agit du journal satirique. La supercherie serait donc dévoilée, les Charlie ne seraient que de dangereux censeurs dès lors qu’une personne ne se dit pas Charlie, ou dès qu’ils émettent des critiques envers ces défenseurs de l’islamisme, même pour défendre les droits des femmes ou des minorités sexuelles. Selon eux, si X est Charlie et émet un argument critique envers une opinion intégriste de Y, il serait donc contre la liberté d’expression de Y. Et donc « Je Suis Charlie » ne serait qu’une immense arnaque à la fois « raciste » et « anti-liberté d’expression ».
Un peu de pédagogie s’impose face à cette tendance tendant à imposer la confusion intellectuelle.
Mettons de coté l’indécence et le cynisme de ces personnes qui osent comme seul argument en appeler à l’esprit Charlie, esprit satirique et irrévérencieux envers les religions qu’ils ont combattu depuis tant d’années.
La liberté d’expression en France permet le droit à la critique des institutions religieuses, des textes religieux, et donc le droit au blasphème, mais la loi interdit l’incitation à la haine envers les individus et donc l’incitation à la haine raciale, ethnique ou religieuse, l’apologie de crimes de guerre, les propos discriminatoires à raison d’orientations sexuelles, d’un handicap, ou le négationnisme. C’est ce pourquoi Dieudonné est régulièrement condamné. L’esprit Charlie n’est pas la liberté d’exprimer des idées haineuses pénalement répréhensibles, qu’il a par ailleurs toujours combattues.
Charlie Hebdo et ses journalistes et dessinateurs n’ont jamais demandé à supprimer la parole des intégristes de l’espace médiatique. C’est au contraire un journal de débats, qui milite pour la confrontation des idées sans tabou, et en toute clarté. Ce qui implique d’inviter l’extrême droite-religieuse ou politique dans les médias, en présentant ces invités comme tels, et en apportant des contradicteurs. En aucun cas de les bâillonner, malgré ce que ces champions de la victimisation espéreraient.
Enfin, comment ne pas évoquer l’hypocrisie de ces rhétoriques ? Si ces personnes invoquent la liberté d’expression pour défendre la diffusion des idées anti-laïques, elles ne peuvent donc pas rejeter les laïcs qui utilisent également leur liberté d’expression à juste titre pour critiquer ces idées…
Carla Parisi
http://carla-parisi.blogspot.fr/2015/12/a-propos-des-anti-laics-qui-invoquent.html