Une belle voix, rauque et forte, du féminisme vient de s’éteindre.
Maya Surduts, qui incarnait la CADAC (Coordination des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception), depuis plus de vingt ans, et le Collectif national des droits des femmes, vient de nous quitter.
Née à Riga, d’un père physicien et communiste, elle faisait partie de ces émigrés arrivés en France en 1938.
En 1948, après avoir vécu au Cap en Afrique du Sud, comme beaucoup de Juifs baltes, elle se lance dans le militantisme au sein d’une organisation sioniste, revient en France, étudie le russe et prend fait et cause pour le FLN.
En 1962, elle part aux États-Unis pour soutenir les victimes de discriminations, dans le sillage du mouvement contre la ségrégation, puis rejoint Cuba.
Elle est expulsée en septembre 1971 par le régime castriste, après y avoir vécu huit ans comme interprète et militante.
De retour en France, elle rejoint le groupe « Révolution » qui l’envoie « infiltrer » le MLAC, le Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception.
C’est l’inverse qui se produit. Le féminisme devient sa révolution, son inspiration contre toutes les dominations, et ne la quittera plus. Au point de devenir l’une des figures incontournable du féminisme « lutte des classes » et institutionnel. Aucun nouveau groupe militant, parti ou ministère ne pouvait ignorer ses coups de gueule, légendaires.
À Prochoix, nous avions avec Maya une longue histoire de camaraderie, entrecoupée d’engueulades épiques. Maya pouvait être une marraine intraitable. Passé le bizutage, elle savait être une alliée et une camarade à toute épreuve. Elle forçait le respect.
Nous n’oublierons jamais qu’elle a tenu bon lorsque des groupes se disant féministes mais intégristes ont tenté d’infiltrer les organisations de gauche, le 8 mars et le mouvement des femmes, pour mieux traiter le féminisme universaliste critique envers le voile de raciste. Maya connaissait trop bien ces ficelles pour ne pas les reconnaître et leur tenir tête.
En 2005, Maya Surduts rappelait avec Suzy Rotman que le Mouvement se battait « depuis la nuit des temps » contre TOUS les intégrismes. (Le Monde, 9/3/2005)
Il y a trois ans, elle avait accepté de rencontrer les féministes marxistes FEMEN, tout juste arrivées d’Ukraine, de leur parler un peu en russe et de dire ce qu’elle pensait de ce jeune mouvement pour le film « Nos seins, nos armes ». Avec une patience et une tendresse que beaucoup de jeunes féministes élevées à la dure par Maya auraient enviées ! La sagesse guettait. Son regard, tendre, riait encore des tours que sa grosse voix pouvait jouer.
Elle nous manquera dans la lutte, toujours féroce, jamais gagnée, contre le patriarcat marié à l’obscurantisme. Pour résister aux intégristes rivalisant d’ingéniosité pour nous faire payer notre liberté ou à l’Église polonaise qui menace une fois encore le droit d’avorter.
Elle nous manquera mais nous ne manquerons pas de continuer à nous battre sur ses pas.