La bio ‘none’ autorisée de Mère Térésa (Moruni Turlot)

l arrive parfois de lire des livres qui vous touchent. C’est le cas de celui ci. Anne Sebba nous relate la biographie « interdite » de Mère Térésa dans un style percutant, mêlant de nombreux témoignages-souvent bouleversants- à des faits historiques. Décédée en Août 1997, Mère Térésa laisse-t-elle vraiment un grand vide ? Elevée au rang de Sainte, elle restera en tout cas la personne ecclésiastique la plus médiatique et la plus contrastée de cette fin de siècle.

Sa carrière débute en 1928 lorsqu’elle s’engage auprès des soeurs de la charité et part en Inde avec le soutien inconditionnel du Vatican. Le temps de se familiariser, de découvrir les us et coutumes de ces sauvages même pas chrétiens, elle ouvre son premier dispensaire à Calcutta. Pourquoi avoir choisi cette ville alors qu’il existe une petite communauté de chrétiens dans le sud du pays ? La raison est simple : cette métropole se trouve à la frontière du Bangladesh et du Pakistan. Les deux pays sont en conflits depuis des années et des flots de réfugiés quittent le Bangladesh pour l’Inde. Une manne pour Mère Térésa qui recueille femmes, enfants et invalides. Tous profondément traumatisés et maléables à souhait. Car l’aide qu’elle leur apporte n’est pas matérielle, elle est spirituelle. Mère Térésa leur offre un Dieu sur un plateau. Intermédiaire entre les pauvres et la mort, elle empêche les femmes victimes de viol systématique d’avorter, envoie les enfants à l’étranger dans des familles catholiques pour être adoptés. Quant aux autres, ils attendent la mort dans la prière et des conditions d’hygiène plus que lamentables. Les infirmières, soeurs de la charité, ne sont pas qualifiées et pourtant Mère Térésa se charge d’élimer tous ses concurrents. Comme ces médecins anglais qui avaient le très net inconvénient de proposer des traitements contre la douleur !

Catholique avant tout, Mère Térésa sait que le billet pour le paradis ne se gagne pas aussi facilement. Qu’il faut souffrir pour avoir la Rédemption !

Qu’importe, elle continue de fasciner, enroulée dans son sari blanc et bleu. Elle côtoie la misère. Et ça, en occident, on ne l’avait pas vu depuis longtemps. En 1980 elle est à l’apogée de sa gloire. Fière de son prix Nobel, elle voyage aux 4 coins du monde et ouvre pas moins de 468 dispensaires. Mais bientôt la mère se prend les pieds dans le tapis. Des volontaires venues d’Angleterre témoignent sur les conditions inhumaines dans lesquelles sont traités les malades. Mais ces voix ont bien du mal à se faire entendre. À l’exception du film « l’Ange de l’enfer » diffusé sur Chanel four. où le réalisateur nous montre enfin la véritable histoire de cette femme convaincue comme « Marie » de porter toute la détresse de la terre. Bientôt on lui reproche ses prises de position contre le droit à l’avortement. D’autant qu’elle s’élève contre toutes tentatives du gouvernement Indien de planifier les naissances. Ce qui lui vaut d’être l’idole de nos chers provie !

L’enquête réalisée par Anne Sebba nous permet de révéler la vraie mère Térésa une femme pleine de contradiction. Un livre de référence à lire absolument.

LIVRE : Mère Térésa : la face cachée, Anne Sebba, Edition Golias (1997). Prix : 135 F

Paru dans ProChoix n°2 (janvier 1998) »

Les femmes sur le tapis de l’Assemblée

L’occasion est trop rare pour se priver d’un petit plaisir en réecoutant ici la séance du 12 novembre 1997, au cours de laquelle les députés de notre pays se sont entretenus quelques minutes des droits des femmes…

M. Yves Cochet (Verts). Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Dans quelques jours, à l’appel du comité national pour les droits des femmes, une manifestation aura lieu, à laquelle nous participerons peut-être, les uns et les autres. À ce propos, je rappellerai quelques enjeux et poserai une question. Un des premiers enjeux est la réduction du temps de travail . Même si le travail des femmes n’est pas une nouveauté-les femmes représentent 45% de la population active-on constate une évolution quant à leur rapport à l’emploi, qui est dorénavant marqué par plus de précarité et plus de temps partiel. S’agissant du temps partiel, je ne citerai qu’un seul chiffre : 83% des personnes qui occupent un emploi à temps partiel sont des femmes. On connaît les fluctuations du marché de l’emploi et la manière dont elles frappent davantage les femmes. Je crois profondément que les mesures de réduction du temps de travail, et donc les 35 heures maintenant, et les 32 heures à l’avenir (« bien sûr ! » sur plusieurs bancs du RPR et de l’UDF) sont des mesures authentiquement féministes, procédant d’une politique qui l’est tout autant. Autre enjeu, qui suppose un changement constitutionnel : la parité. Même si votre parti, monsieur le Premier ministre, a, aussi bien que le mien, fait des efforts lors des dernières élections pour présenter plus de candidates; notre assemblée ne compte encore que 10% de femmes. Quelle différence avec les assemblées du Nord de l’Europe ! Nous sommes les avant derniers sur les 15 pays européens ! Quand la parité sera-t-elle réalisée ?

M. Lucien Degandry. Cédez votre siège à une femme !

Yves Cochet. J’en viens à la question précise que je voulais vous poser, ne voulant pas m’attarder sur d’autres enjeux, tels que la lutte contre le proxénétisme, la lutte pour le droit à l’IVG, la lutte pour le partage du temps de travail, qu’il s’agisse du travail professionnel ou du travail domestique, car c’est à ce partage aussi que doivent aboutir les 35 heures. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du RPR) A mon grand regret, il n’y a pas, parce que vous avez voulu un gouvernement resserré, de ministre des droits des femmes.(exclamations sur plusieurs bancs du RPR) Il faudrait au moins une délégation interministérielle pour les droits des femmes. Monsieur le Premier ministre, à quand la délégation interministérielle pour les droits des femmes ! (Applaudissements sur divers bancs du groupe radical, citoyen et vert et sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

Mme Martine Aubry, ministre de l’emploi et de la solidarité,. Monsieur Cochet, je suis très heureuse que M le Premier ministre m’ait chargé de m’occuper des droits des femmes. Je partage le souhait qui doit être le même sur tous ces bancs, que la déléguée interministérielle soit rapidement désignée. Les candidatures, nombreuses et brillantes, sont celles de femmes attachées à ce combat. Le 1er ministre sera incessamment amené à arrêter son choix à choisir cette déléguée, et je m’en réjouis personnellement. Monsieur le député, vous avez eu raison de commencer par évoquer le problème du travail et de l’emploi. Si, dans notre pays, nous parlons beaucoup de parité au niveau politique-à ce propos, nous savons comment la gauche a su faire des choix, tout comme le Premier ministre pour former son gouvernement-, nous ne devons pas oublier que le problème majeur auquel sont confrontées nos concitoyennes est celui du travail et de l’emploi. Rappelons que les femmes sont plus touchées par le chômage que les femmes et que, pour la même qualification, leur rémunération est inférieure de 27% à celles des hommes.

M. Jean-Paul Charié. C’est faux !

Mme Martine Aubry. Rappelons aussi qu’à diplôme égal, elles mettent trois fois plus de temps à êtres embauchées et, quand elles le sont, elles sont moins rémunérées que les hommes ! Le CERC vient d’ailleurs de rendre à ce sujet un rapport ce matin. Rappelons encore que les femmes n’ont pas accès à la formation de la même manière que les hommes ! Sur tous ces points, comme je l’ai d’ailleurs toujours fait dans ce ministère, nous allons dans la ligne de la loi qu’Yvette Roudy a fait voter, relancer les grands programmes de la parité professionnelle afin de lutter contre la plus grande des inégalités d’aujourd’hui.

M. Lucien Degauchy . L’AGED !

Mme Martine Aubry. La seconde inégalité touche à la vie quotidienne et personnelle des femmes. Nous y travaillons avec Bernard Kouchner… (« Ah ! » sur les bancs de l’UDF et du RPR) Nous allons lancer une grande campagne sur la contraception, car les jeunes filles n’y ont plus recours aujourd’hui. (exclamations sur les bancs de l’UDF et du RPR) Cela vous fait peut-être rire messieurs de l’opposition, mais c’est un problème grave et très compliqué. (même mouvement) Nous devons aussi travailler sur les violences conjugales et, ainsi que vous l’avez rappelé, faire en sorte que le droit à l’avortement soit dans notre pays un vrai droit. Sur tous ces points nous travaillons actuellement avec le ministre de la santé. S’agissant de la parité, en faveur de laquelle le premier ministre s’est engagé, les travaux juridiques sont quasiment terminés. Quand la déléguée interministérielle sera désignée, nous pourrons, après un travail qui concerne l’ensemble du gouvernement, annoncer les premières mesures. C’est donc sur le champ immense du travail, de l’emploi et de la santé, en passant par la vie quotidienne, qu’il faudra avancer pour que les femmes de notre pays soient traitées à parité avec les hommes dans tous les domaines. Nous avons d’ailleurs demandé, dans la circulaire adressée aux préfets pour les emploi-jeunes, que la parité soit un critère à respecter. (Applaudissements de la gauche)

Paru dans ProChoix n°2 (janvier 1998)

lundi 12 janvier 1998

Entretien avec le Planning familial (Moruni Turlot)

Aujourd’hui le mot contraception ne choque plus, la pilule est entrée dans la vie de beaucoup de femmes. Mais en 1956, lors de la création de l’association la «Maternité Heureuse » qui 13 ans plus tard deviendra le Mouvement Français pour le Planning Familial,. la situation politique n’était pas la même. C’est peu de dire que le climat était hostile aux féministes à l’époque. ! Malgré de nombreuses attaques- on se souvient notamment de celle du Général (celui de « je vous ai compris») qui « ne voulait pas laisser la France à la bagatelle »- 1967 marque leur première victoire : l’autorisation de maîtriser sa fécondité est enfin légalisée. Après quoi, il faudra tout de même attendre 1975 pour voir un gouvernement légifèrer sur le droit à l’avortement. 30 ans, 20 ans plus tard, j’ai eu envie de rencontrer ces féministes, celles qui avaient contribué à mettre en place des lois aussi révolutionnaires ! J’étais surtout curieuse de savoir comment une association féministe pouvait garder son caractère militant tout en étant l’interlocuteur de la classe politique… Et dans quelles mesures le MFPF se retrouvait dans le mouvement Prochoix. Catherine Béranger et Jocelyne Girault-Laurence du planning familial ont bien voulu éclairer ma lanterne. Qu’elles en soient ici remerciées.

Où en est-on? En France c’est un pas en avant trois pas en arrière. Même si des lois sont votées, l’ignorance et les tabous font que les mentalités mettent un temps considérable à intégrer les progrès faits en matière de droit de choisir. 25 ans après sa légalisation, l’avortement déchaîne toujours les passions. On assiste depuis quelques années à un insidieux retour des valeurs familiales de la part des Provie comme de celle de nos partenaires. Comme si on ne pouvait pas concevoir une « contraception heureuse » sans que l’on sous-entende que c’est pour un temps. Malgré la libération sexuelle des années 70, les devoirs des femmes n’ont guère changé. Il est plus qu’urgent de considérer l’avortement pour ce qu’il est : un acte d’insoumission à la maternité obligatoire.

L’IVG au planning On refuse de dramatiser l’avortement . On ne s’autorise à aucun moment à juger les femmes. On évite par exemple de parler de « désir d’enfant ». Les consultations se font en groupe de 10, ce qui permet de parler plus librement, sans culpabilité. Le MFPF écoute et accueille des centaines de femmes par an. Que ce soit pour des consultations médicales, des conseils sur la pilule du lendemain ou pour rencontrer des conseillères conjugales. Les femmes du planning restent vigilantes car le retour de bâton ne se fait pas attendre.

Le préservatif L’arrivée du Sida change le comportement sexuel et les pratiques des jeunes femmes. L’utilisation de la capote remplace l’indétronable pilule. Mais il est bon de le dire que ce n‘est pas un contraceptif et qu’elle ne protège pas d’une éventuelle grossesse non désirée. Souvent l’utilisation du préservatif n’est pratiquée que pour un temps. Quand on est sûr que c’est « pour toute la vie », on s’en passe.

Les jeunes Les jeunes filles reviennent à des méthodes dites naturelles (Ogino, température) et ne reprennent pas leur pilule. Ces jeunes femmes isolées ne savent pas où s’adresser . Dans les hôpitaux publics, l’attente reste très longue. La spécificité de la France fait que les délais d’autorisations à l’avortement sont plus courts. Cela crée souvent des situations précaires. L’accent est mis sur l’information des jeunes femmes. Elles organisent des discussions sur les pratiques sexuelles.

Des regrets Les militantes regrettent le manque d’audace de la part des gouvernements de droite comme de gauche. On se souvient de Bérégovoy qui en 1992 avait annulé la campagne « la contraception, pour ne penser qu’à l’amour » L’éducation nationale n’est pas en reste non plus. Depuis longtemps, elles dénoncent le programme sur la reproduction des moules dans le littoral atlantique…

Droit de choisir Le planning familial lutte pour le droit de Choisir; la maîtrise de la fécondité est l’une des avancées les plus patentes des droits des femmes . Disposer de son corps, c’est s’assurer de son indépendance. Certains refuseront cet état de fait. Mais le combat continue mes soeurs.

Moruni Turlot

Paru dans ProChoix n°2 (janvier 1998)

Xavier ‘dort’ enfin en prison ! (Caroline Fourest)

Après avoir inventé le principe des commandos anti-IVG (une idée lumineuse qu’il exporte avec le succès que l’on sait aux Etats-Unis en 1986), après avoir participé à plus de deux cent actions de ce type en France, le président de SOS-tous petits a goûté aux charmes de l’ascèse carcérale pour avoir organisé une manifestation interdite devant le centre hospitalier André Mignot au Chesnay le samedi 8 novembre. Oh ! Pas de quoi entamer une cure de repos digne de ce nom… Mais assez pour susciter l’émoi du monde provie et d’extrême droite où mister Dor a plus d’une relation. Habitué des banquets de l’Action française, membre des instances dirigeantes de l’Agrif, il est aussi, selon son propre aveu, un fidèle des infrastructures du Front national – toujours à sa disposition pour le soutenir dans sa propagande… Aussi à peine a-t-il posé le pied en cellule que son club de fans s’est mis en ébullition.

Que d’émotions ! Bruno Gollnish, secrétaire général du FN, Bernard Anthony, président de l’Agrif, Jean-Marie Le Chevallier, député-maire de Toulon FN, Christine Boutin; députée provie UDF et ambassadrice du Vatican…. Rares sont les VIP provie à avoir manqué ce concert d’indignation. Côté associations : l’ensemble du mouvement provie, de Laissez-les-vivre-SOS futures mères au Cercle Renaissance en passant par les AFC (Associations familiales catholiques), a manifesté son soutien. Seule exception notable : la soeur ennemie et concurrente de SOS tout-petits, la Trêve de Dieu de Claire Fontana. Côté médias : Présent, le journal de l’Agrif, Monde et Vie, Mondial Vie Info, Radio Courtoisie et bien d’autres relais de la propagande nationaliste se sont fait l’écho de l’émoi général. Enfin, plus concrètement, une Coordination pour la libération du docteur Dor a aussitôt été créée et prise en main par Isabelle Dor, avocate et fille de son père. Après une conférence de presse et un meeting de protestation auprès des évêques et des députés, la coordination a appelé à manifester le 15 novembre devant la prison de Bois d’Arcy où Xavier Dor était détenu. Une manifestation au cours de laquelle plusieurs élus du Front national tels que Myriam Backeroot, Jacques Lecaillon ou Olivier Pichon n’ont pas manqué d’y tenir le haut du pavé… Dans le même temps, des milliers de tracts, sortis des rotatives de l’imprimeur attitré du FN, se sont mis à recouvrir les murs de Paris. Mais la colle n’a pas eu le temps de sécher que Xavier Dor respirait à nouveau l’air libre de l’État Républicain ennemi. Après onze jours de détention, il est libéré provisoirement le 19 novembre. Juste à temps pour entendre le jugement de la cour d’appel de Rennes-qui vient d’annuler les dix mois de prison avec sursis dont il avait écopé en correctionnelle pour avoir occupé le CHR d’orthogénie de la ville- et assez tôt pour envisager de participer à une manifestation contre l’avortement et son emprisonnement prévu pour le 22 novembre. Egalement interdite, cette manifestation débouche sur l’interpellation de 97 provie réunis en fanfare devant le parvis de Notre-Dame de Paris… Manque de chance, Xavier Dor avait finalement décidé de rester chez lui ce jour-là… Qu’importe, ce n’est que partie remise. Le 9 décembre, il comparaît aux côtés de ses compagnons de route, Ludovic Eymerie et Rolande Birgy, devant la sixième chambre du tribunal de Versailles, pour un autre délit d’entrave à l’IVG survenu le 7 juin dernier devant le centre hospitalier du Chesnay. Cette fois, il n’est pas le seul à jouir de l’impunité puisque le procureur de la République décide de ne pas poursuivre Rolande Birgy en raison de son grand âge. Passons. Alors qu’il s’apprête enfin à passer son plus long séjour à l’ombre, Dr Dor nous réserve un rebondissement de dernière minute… Convoqué le 11 décembre à se présenter au centre de semi-liberté de Villejuif pour une durée d’un mois, celui que ses admirateurs ont baptisé «Docteur Courage»-mais qu’il aurait peut-être été plus juste d’appeler «Docteur Courage Fuyons» – loupe une fois de plus l’entrée de la prison pour se réfugier à la nonciature où il demande l’Asile politique au Vatican…

Le commando à la nonciature vu par Présent Journal des catholiques traditionalistes par excellence, Présent, n’a jamais perdu une occasion de soutenir le Docteur Dor (par ailleurs pigiste occasionnel) dans sa croisade. Depuis le début de ses ennuis carcéraux, il a fait la majorité des unes du quotidien d’extrême droite. Mais le meilleur moment reste le récit de son commando à la nonciature en compagnie d’une des plumes les plus affûtées du journal, Jeanne Smith. Extraits : « Discret rendez-vous devant un café de Paris, 14h 15. Le Dr Dor, à la veille de sa première incarcération en vertu de la loi Neiertz qui protège les avortements en France, a décidé de jouer son va-tout. Nous ne le saurons un journaliste d’agence et moi-même, qu’en nous engouffrant dans un taxi à ses côtés : il va demander l’asile à la nonciature (…) Mercredi donc, 14h30, le Dr Dor, fidèle à lui même, nous demande de participer à une courte prière. Puis il prend son sac-il a tout prévu, pyjama, linge, brosse à dents, une liasse de papier blanc pour travailler…-et sonne à la grille du petit hôtel particulier qui abrite la légation vaticane : « Je voudrais remettre un pli au secrétaire du Nonce… » C’est le moment crucial. La grille s’ouvre. Nous nous précipitons dans le jardinet qui déjà, bénéficie du privilège d’extra-territorialité. « C’est miraculeux, merci Notre Dame ! » s’écrie le docteur Dor. Miraculeux, en effet, car le pauvre gardien qui a fait entrer notre petit groupe sait qu’il sera bien difficile de nous faire repartir, et il craint déjà les remontrances de ses patrons : « Il faut prendre rendez-vous par téléphone. La secrétaire du Nonce ne peut pas vous recevoir comme ça. Il faut que vous alliez l’appeler, vous reviendrez après (…) » Mais le Dr Dor préfère rester dans le jardinet, appeler par portable « Je suis le dr Dor… Catholique pratiquant… Non, je ne peux pas être là demain… À neuf heures, vous savez je dois être en prison ! » (Présent du 12/12/97) En fait, il n’y sera que bien plus tard, après plusieurs heures de palabres avec le staff de la nonciature dont Mgr Fana. Nonce auprès de l’UNESCO, Mgr Fana reconnaît bien une «admiration » personnelle pour le combat du Dr Dor, mais il ne peut prendre la responsabilité de le dérober aux lois de son pays. Une nuance dont l’hypocrisie n’échappe pas à Xavier Dor : « Vous savez (…) je condamne seulement l’avortement, et je m’y oppose comme le Saint Père le demande». Car aujourd’hui comme les autres jours, le Vatican n’a pas besoin d’accorder l’Asile politique au Docteur Dor pour commettre une ingérence vis-à-vis des lois françaises et des femmes de ce pays… Mais il trouve tout de même plus sage de ne pas faire de vagues.

Pourquoi s’est-il constitué prisonnier ? Le lendemain, toujours dans Présent, et profitant de sa permission journalière, Xavier Dor nous raconte comment, devant « l’hostilité croissante des conseillers de la nonciature » il a décidé de se constituer prisonnier : « J’ai réalisé que j’étais vraiment persona non grata comme je l’étais depuis mon arrivée. La veille, on m’avait proposé une voiture pour me rendre à la prison. Puis, bizarrement, je n’ai plus vu personne. Je me suis alors senti abandonné de Dieu et des hommes. (…) Je sentais que l’on voulait me mettre dehors, mais je ne savais même pas comment sortir : le gardien était absent et, comme j’ai beaucoup de difficulté pour voir, je ne savais même pas où se trouvait le bouton pour ouvrir la porte. C’est alors que le gardien est revenu. (…) J’ai dit au gardien : « Je ne vois personne. Dites-leur que je leur pardonne ». J’ai pris un taxi. Ce dont je suis sûr aujourd’hui, c’est que l’on est mieux accueilli dans les geôles de la République que dans la nonciature». Quel mélo! De quoi arracher une larme au moindre catho pas encore intégriste ! Car ne nous y trompons pas… Sous l’apparence d’un vieux fou persécuté, le martyr le plus politicien de l’extrême droite provie a offert à l’Eglise conciliaire l’un des plus beaux cadeaux empoisonnés dont pouvaient rêver ses amis lefebvristes ! Un argument qu’ils ne manqueront pas d’exploiter pour convaincre de la lâcheté de l’Eglise non intégriste… En attendant, Xavier Dor a bien raison de se sentir bien accueilli dans les « geôles de la République », puisqu’avec des centaines d’actions commandos à son actif, il n’y séjournera qu’à temps partiel jusqu’à la fin janvier. Pas de quoi lui passer le goût de partir à l’assaut des cliniques… Dès le 10 janvier, il reprenait gaiement le chemin de la clinique Ordener…

Caroline Fourest

Paru dans ProChoix n°2 (janvier 1998)

lundi 12 janvier 1998

Le Ver provie dans le fruit de la médecine (Caroline Fourest, Fiammetta Venner)

Ils étaient officiellement 10 031 médecins sur 68 778 à être contre l’avortement au moment des débats sur la loi Veil, ils seraient aujourd’hui 17000 en France à faire partie de la Fédération mondiale des médecins pour le respect de la vie…. sur une population globale de 189 252 pratiquants. Si l’on tient compte de la formidable augmentation du nombre des medecins en France, il n’y aurait donc plus que 9% des médecins hostiles à l’IVG contre 16% il y a vingt ans. D’un côté, la mise en application de la loi Veil a convaincu une bonne partie d’indécis, aujourd’hui soulagés de ne plus récupérer des patientes pissant le sang parce que charcutées à l’aiguille à tricoter. De l’autre, il existe toujours un noyau dur de fanatiques sur qui la mort de quelques milliers de femmes n’a jamais fait ni chaud ni froid. Car ceux là ne voient en rien l’avortement comme un problème médical mais politique. Ceux là ne sont pas de simples anti-IVG, ils sont Provie. La non remise en question de l’ordre naturel guide l’ensemble de leur pratique médicale. Et il ne fait pas bon aller consulter chez eux par hasard… L’histoire du mouvement anti-IVG/provie est aussi intimement liée aux parcours militants de certains médecins que le mouvement pro-IVG/prochoix. Là où des praticiens prochoix se sont élevés contre l’hypocrisie d’une législation qui, en ouvrant la voie aux avortements clandestins, tuait alors 370 femmes par an; d’autres s’acharnaient à n’y voir que jérémiades et une tentative diabolique de remettre en cause l’ordre naturel.

1. à l’origine du mouvement anti-IVG

Dès les années 60, le Vatican cherche à s’appuyer sur des médecins pour opposer un front moralisant aux couples qui désirent planifier leurs naissances. En 1961 et à l’initiative du père jésuite Stanislas de Lestapis, une poignée de médecins catholiques- parmi lesquels Maurice Abiven, Charles Rendu et Jérôme Lejeune- créent le Centre de liaison des équipes de recherches (CLER) où ils se chargeront d’enseigner des méthodes naturelles dites contraceptives aux jeunes couples ne souhaitant pas forcément avoir un enfant tous les neuf mois. Et qu’importe si la fameuse méthode thermique est en réalité plus capable d’engrosser par accident que le contraire… Ce réseau de médecins, bâti au sein du CLER, sera la première marche décisive vers un mouvement pour la vie hostile à l’avortement. Dès 1971, la plupart de ses membres sont appelés au chevet de la toute première association officiellement anti-IVG, Laissez-les-vivre. À cette époque, les provie pensent que si des médecins refusent en bloc de ne pas pratiquer l’avortement, il sera impossible de le légaliser. La même année, de jeunes médecins se regroupent pour tenter de riposter face à la campagne de presse qui entoure le procès de Bobigny et fondent l’Association des médecins respectant la vie (AMRV). Dès l’origine, l’AMRV n’est pas une simple association anti-IVG mais provie. Dans ses statuts, l’association prend bien soin d’indiquer qu’elle s’oppose tout autant aux agressions contre l’embryon qu’à l’euthanasie. Dès lors, elle participe à plusieurs manifestations et pétitions importantes, dont la plupart sont initiées par le professeur Jérôme Lejeune. Le 3 février 1973, quand il s’agit de porter plainte contre les 331 médecins qui ont signé un Manifeste reconnaissant qu’ils ont eux-mêmes pratiqué des avortements, c’est encore un médecin, un rhumatologue de Charleville-Mézières, qui porte plainte contre X pour provocation publique à l’avortement. Enfin, en juin 1974, 10 031 médecins signent une Déclaration des médecins de France destinée à soutenir que « l’avortement n’est pas l’acte d’un médecin » .

2. Aujourd’hui qui sont-ils ?

Aujourd’hui encore, vingt ans après la loi Veil, 20% des provie sont médecins. Là où les bienfaits de l’IVG légalisé ont achevé de convaincre les indécis, elle a en revanche mobilisé une arrièrre garde catholique particulièrement tenace. Faut-il croire la Fédération mondiale des médecins favorables à la vie quand elle revendique dans un courrier interne quelque 17000 membres en France ? Probablement. D’autant que cette fédération ne comprend sûrement pas l’ensemble des praticiens décidés à s’opposer d’une façon ou d’une autre à ce qu’ils considèrent contre-nature. De notre côté, en tout cas, nous avons répertorié au moins 3000 médecins ayant clairement pris position contre le droit de choisir. Si, certains, comme le docteur Xavier Dor, vont jusqu’à mener des actions commandos, d’autres s’investissent dans le lobbying provie, d’autres enfin se contentent d’abuser du pouvoir que leur confère leur profession… Mais quelque soit leur moyen d’action, il faut bien comprendre que nous ne sommes plus seulement en face de médecins réticents vis-à-vis de l’avortement mais de militants « provie ». Pour beaucoup, la Bible a plus droit de cité que le Vidal. Leur opposition à l’avortement n’est qu’un révélateur… Au-delà de la question de l’IVG, les provie (sans s) sont partisans de la Vie comme émanation sacrée, divine. Ce qu’ils refusent par-dessus tout, c’est que l’homme puisse remettre en cause l’ordre naturel, qu’il puisse maîtriser la nature, cette oeuvre de Dieu. Cette sacralisation de la vie les conduit à être hostiles non seulement à l’IVG mais à tout ce qu’ils jugent contre-nature : PMA (procréation médicalement assistée), homosexualité, euthanasie ou même péridurale. Cette arme diabolique qui empêche les femmes d’ « enfanter dans la douleur » ! C’est pourquoi, il nous semble si réducteur de les appeler anti-IVG alors même que leur adhésion à la Vie à n’importe quel prix leur fait remettre en cause bien d’autres aspects de la société et de la médecine.

3. Quels sont leurs moyens d’action ?

Ne nous y trompons pas, la plupart des médecins provie sont assez réalistes pour savoir que la loi de Veil a peu de chances d’être abrogée. En revanche, rien ne leur interdit de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour que les femmes avortent dans les plus mauvaises conditions possibles, qu’elles souffrent comme l’exige la nature…

• L’endoctrinement et le lobbying

L’idéologie provie regorge de théories fumeuses que ses militants se chargent de diffuser dans les aumôneries mais aussi et surtout dans les hôpitaux et les universités. Les étudiants en médecine constituant le premier public à convertir. À titre d’exemple, le Dr Vignes de l’association Laissez-les-vivre a fait un jour distribuer dans les écoles une Lettre à une élève-infirmière pleine de précieuses recommandations. Partant du principe que « la vie commence à la conception » ou encore que «la liberté de la femme, c’est d’assumer son devoir, de porter l’enfant », Vignes insiste sur le rôle de l’infirmière qui est de tout faire pour que l’entretien pré-IVG prévu par la loi Veil soit dissuasif. D’ailleurs, si on lui propose un poste dans un CIVG et même si cela gêne sa conscience, il faut malgré tout qu’elle l’accepte, pour ne pas laisser le terrain hospitalier devenir le « monopole des consciences laxistes ». Cela dit, si la chose lui paraît au-dessus de ses forces, elle peut toujours se déclarer objectrice de conscience et adhérer à l’Union syndicale des professions de santé respectant la vie humaine qui se chargera de lui fournir une aide syndicale et judiciaire en cas de problème avec ses employeurs ». C’est à travers ce genre de courrier que des rumeurs persistantes se propagent et sont mises en application à la faveur du premier médecin ou infirmière complice venu. L’une d’elles consiste à dire qu’il est nécessaire que les femmes souffrent au moment d’avorter pour qu’elles n’aient pas envie de récidiver. À l’inverse, toute une théorie tend à faire croire que le foetus souffre pendant l’avortement. C’est pourquoi l’on conseille aux jeunes étudiants en médecine de proposer une piqûre intrafoetale à la patiente pour éviter que Lui ne souffre. Ce qui a, vous l’imaginez, un effet des plus rassurants… Aux États-Unis, afin de se concilier les bonnes grâces des prolife, de ne pas subir leurs commandos, plusieurs cliniques ont non seulement accepté de faire cette piqûre mais elles pratiquent désormais l’IVG sans anesthésie pour les femmes. En France, déjà, certains Centres d’interruption volontaire de grossesse (CIVG) ont pris les devants. Par exemple à la Roche-sur-Yon où l’anesthésie est systématiquement refusée aux patientes. En France également, les provie soutiennent la thèse selon laquelle il y aurait un nombre croissant de dépressions chez les femmes ayant avorté. Une jolie légende de syndrome post-avortement qui n’avait rien de réel jusqu’au début des années 90. Date à laquelle l’intrusion de militants anti-IVG dans les cliniques, leurs insultes et le simple risque de tomber sur l’un d’entre eux à effectivement considérablement augmenté le stress des patientes…

• Les commandos

À l’image du célèbre docteur Dor, les médecins les plus militants n’hésitent pas à participer à des actions commandos. Parfois, ils y sont même invités par leurs confrères ou consoeurs. En février 1995 de nombreux médecins de la région lyonnaise recevaient ainsi une lettre du docteur Valérie Dubreuil-Foulquier : « L’avortement se produit par morcellement du foetus vivant dans l’utérus de sa mère. L’échographie nous permet de voir, en direct, un avortement : le foetus essaie d’éviter la sonde qui le démembre, il se réfugie au fond de l’utérus et…n’échappe pas ». Après cette délicieuse entrée en matière dont l’inspiration ne vient ni plus ni moins du Cri silencieux, un film de propagande, le lecteur est convié à s’associer aux actions commandos.

• Les pétitions

Dans un autre style, certains acceptent plus facilement de se compromettre à l’occasion d’une pétition. L’une de celles a avoir rassembler le plus de signatures s’est faite-sans surprise-au moment des débats sur la bioéthique à l’assemblée nationale. Le 20 avril 1994, une page de publicité du Monde est louée sous le nom d’ « Attestation des défenseurs de la vie ». Le texte évoquant le sort des embryons congelés, la destruction des embryons surnuméraires, dénonçant l’euthanasie et exigeant que la nation proclame «devant la loi que tout être humain est une personne, de sa conception à sa mort » recueille la signature de deux mille cinq cents praticiens dont plusieurs sont officiellement proches des anti-IVG : Lucien Israël, Jérôme Lejeune ou Emmanuel Sapin…

• La captation et l’orientation

Relais stratégique, les médecins médecins provie profitent de ce qu’une patiente lui demande conseil au moment où elle apprend sa grossesse pour l’orienter vers des associations anti-IVG. En cela, ils constituent le premier maillon d’un réseau de captation de femmes désireuses d’avorter particulièrement inquiétant. Sous couvert de rendre service, d’offrir des layettes ou une aide matérielle, des associations provies type SOS futures-mères de Laissez-les-Vivre, Grossesse secours ou Vie et liberté distillent habilement leur propagande… Pour peu qu’ils aient à faire à des femmes marginalisées, sans papiers ou à la recherche d’un logement, certaines parviennent à les convaincre de faire adopter leur enfant plutôt que d’avorter. Après quoi, ils les recommandent à des maisons d’accueil traditionalistes ou charismatiques de leur connaissance. Mère de miséricorde, Tom Pouce, Magnificat… À titre indicatif, la communauté charismatique de l’Emmanuel dit s’occuper de 10 000 accouchements sous X par an… Ce qui est sûr, c’est que beaucoup trop de femmes passent entre leurs mains…

• Les commandos de persuasion

En toute logique, les médecins ou infirmières provie profitent de leur position pour dissuader directement leurs patientes d’avorter. En cas d’échec, il leur reste la possibilité de faire poiroter leur proie à huis clos dans une salle d’attente et d’appeler en renfort des militants anti-IVG. Plusieurs femmes ont été ces dernières années, victimes de cette nouvelle forme de commando, fait avec la complicité de leur médecin et que nous appelons des commandos de persuasion. Enfermées plusieurs heures dans une salle d’attente le jour de leur IVG, elles se sont retrouvées aux prises avec un bataillon de militants provie chantant, priant et s’obstinant à la dissuader d’avorter ! Il est aujourd’hui très difficile d’obtenir le témoignage de ces victimes. Traumatisées, beaucoup d’entre elles préfèrent oublier. Mais il ne semble pas s’agir de cas isolés…

• La sadisation

Lorsqu’ils ne sont pas intervenus à temps pour dissuader leurs patientes d’avorter, les médecins provie n’ont pas encore dit leur dernier mot… Leur dernier va-tout consiste à pratiquer eux mêmes l’IVG dans les conditions les plus odieuses qu’il soit. Ainsi tel médecin est connu pour ne jamais faire d’anesthésie…telle femme se souvient d’avoir été forcée d’avorter dans la même pièce qu’une femme enceinte… telle autre en face de l’ascenseur de l’hôpital ! Enfin, il ne faudrait pas croire que ce genre d’histoire n’arrive qu’aux autres. Si l’on tient compte du simple chiffre avancé par le Fédération mondiale des médecins pour le respect de la vie, il existe tout de même 9 chances sur 100 de croiser un jour un médecin provie. Un risque considérablement accru par l’ignorance des organismes sociaux comme le Ministère de la santé qui n’hésite pas à recommander SOS Futures-mères ou le CLER dans une de ses brochures nationales ! Et ça ne risque pas de s’arranger quand on sait que Jacques Chirac fait partie du comité d’honneur des Amis du professeur Lejeune…

Caroline Fourest & Fiammetta Venner

Paru dans ProChoix n°2 (janvier 1998)12

PROCHOIX n° 2 – janvier 1998

En route vers le droit de choisir

par Fiammetta Venner et Caroline Fourest

Pour le premier numéro, vous avez été nombreux à réagir… viscéralement ! Sur la mise en page, vous nous avez doctement fait remarquer qu’elle était trop espacée – trop serrée, trop sérieuse – pas assez, les caractères trop petits – trop grands… Aussi, en bons prochoix que nous sommes, nous avons choisi de n’en faire qu’à notre tête en nous rassurant d’un « le journal interpelle, c’est l’essentiel !… »

Le ver provie dans le fruit de la médecine (Fiammetta Venner)

Après un historique des rapports entretenus par le milieu médical avec le milieu « pro-vie », ProChoix décrit les différentes stratégies auxquelles ont recours les anti-IVG pour convertir médecins et infirmières à leur cause , comment ces militants se servent de complicités au sein du milieu médical pour capter ou persuader des patientes de renoncer à leur avortement. Du CLER à l’Association des médecins pour le respect dela vie en passant par la Fédération mondiale des médecins pour la vie (qui revendique 17 000 membres sur le seul territoire français), le dossier donne l’exemple d’une dizaine d’associations de médecins anti-IVG et pro-vie. Retrouvez-aussi le portrait exclusif de l’un des d’un médecin pro-vie les plus activiste : le docteur Villette, fondateur de l’Alliance chrétienne et qui vient de planter 100 croix de 7 mètres chacune sur un terrain visible de l’auroute pour commémorer et organiser des pélerinages en mémoire des victimes de l’avortement !

Xavier ‘Dor’ enfin en prison (Caroline Fourest)

Retrouvez le récit hilarant du commando de Xavier Dor à la nonciature par Xavier Dor lui même, les rebondissements autour de son séjour en prison et l’émoi que l’événement a suscité à l’extrême droite (article seulement disponible sur papier).

Et aussi
  • Poussée d’Eglises intégristes
  • Entretien avec le Planning familial
  • Zoom : Clermont-Ferrand et le droit de choisir
  • Parité : Les femmes sur le tapis de l’Assemblée nationale
  • Livre : La bio ‘none’ autorisée de mère Térésa
  • Inédit : L’imposture de Jacques Testart…12Capture d’écran 2015-10-16 à 15.52.26

En route vers le droit de choisir (Caroline Fourest, Fiammetta Venner)

Pour le premier numéro, vous avez été nombreux à réagir… viscéralement ! Sur la mise en page, vous nous avez doctement fait remarquer qu’elle était trop espacée – trop serrée, trop sérieuse – pas assez, les caractères trop petits – trop grands… Aussi, en bons prochoix que nous sommes, nous avons choisi de n’en faire qu’à notre tête en nous rassurant d’un « le journal interpelle, c’est l’essentiel ! »

Et puis sur le fond, les réactions furent globalement agréables. Vous avez été beaucoup à comprendre qu’être prochoix était l’occasion d’un élargissement du combat féministe antifasciste, le moyen de faire progresser l’idée d’une gauche ambitieuse tout en contrant les provie sur tous les terrains. Pas seulement sur l’avortement et la contraception, mais aussi sur les PMA, le droit de choisir sa sexualité, son pays, son mode de procréation, son environnement, sa mort, ses conditions de travail.

Moins agréables ont été les réactions frileuses de personnes -pourtant socialement désignées comme intéressées aux réalités sociales- et qui nous ont rabâché des arguments pour tout dire assez décevants.

Mais avant toute chose, nous profitons de ce moment pour rappeler que ce journal s’appelle Prochoix et non pas Provie comme l’affirment nos critiques les plus zélés. Ceci mis au point, la première remontrance fut de nous reprocher de nous construire en réaction aux provie. Plutôt amusant quand l’un des objectifs principaux du journal est d’encourager la redéfinition de la Gauche vers une adhésion indéfectible et intransigeante au plus ambitieux des droits : celui de choisir sa vie Mais peut-être ne faut-il pas chercher à être meilleurs sous prétexte que nos adversaires sont des salauds ? Et peut-être aussi ne faut-il pas les combattre ? Signalons au passage que depuis Don Quichotte et ses moulins à vent, il est d’usage, lors d’une confrontation, de livrer bataille sur le même terrain que ses adversaires… La seconde critique consiste à nous soupçonner d’avoir inventé le terme prochoix pour se calquer sur les Américains. Une brillante analyse qui fera sans soute sourire de nombreuses associations de Clermont-Ferrand, de Lyon et d’ailleurs… constituées en collectif pour le droit de choisir depuis le début des années 90 ! Sans parler de Choisir de Gisèle Halimi qui date tout de même des années 70… N’en déplaise à certain(e)s, des comités et militants prochoix existent bel et bien en France. D’ailleurs les contraindre à changer de nom (et une insistante pression cherche à les y encourager), n’y changera rien. L’éventail de leurs luttes montre bien que leur militantisme ne concerne pas seulement les femmes ou l’avortement, mais la société toute entière. Quant à la hantise de faire comme ces « sales ricains », faisons juste remarquer que nous avons effectivement deux ou trois choses à leur envier. Non pas leur libéralisme sauvage mais sûrement leurs études féministes et la force de leur mouvement prochoix : une quarantaine d’associations nationales qui ont su placer les préoccupations tant féministes qu’homosexuelles et anti-ordre naturel au centre des préoccupations politiques. Enfin, et pour éviter tout malentendu, nous tenons à préciser que Prochoix ne se sent en aucun cas dépositaire du mouvement pour le droit de choisir en France. D’ailleurs nous ne sommes ni un groupe ni même un collectif mais le simple lieu d’expression d’une réalité sociale à la disposition de tout militant, citoyen, élu ou journaliste désireux de se renseigner sur l’obscurité des provie et la lumière des prochoix.

Caroline Fourest & Fiammetta Venner

Paru dans ProChoix n°2 (janvier 1998)

lundi 12 janvier 1998