l arrive parfois de lire des livres qui vous touchent. C’est le cas de celui ci. Anne Sebba nous relate la biographie « interdite » de Mère Térésa dans un style percutant, mêlant de nombreux témoignages-souvent bouleversants- à des faits historiques. Décédée en Août 1997, Mère Térésa laisse-t-elle vraiment un grand vide ? Elevée au rang de Sainte, elle restera en tout cas la personne ecclésiastique la plus médiatique et la plus contrastée de cette fin de siècle.
Sa carrière débute en 1928 lorsqu’elle s’engage auprès des soeurs de la charité et part en Inde avec le soutien inconditionnel du Vatican. Le temps de se familiariser, de découvrir les us et coutumes de ces sauvages même pas chrétiens, elle ouvre son premier dispensaire à Calcutta. Pourquoi avoir choisi cette ville alors qu’il existe une petite communauté de chrétiens dans le sud du pays ? La raison est simple : cette métropole se trouve à la frontière du Bangladesh et du Pakistan. Les deux pays sont en conflits depuis des années et des flots de réfugiés quittent le Bangladesh pour l’Inde. Une manne pour Mère Térésa qui recueille femmes, enfants et invalides. Tous profondément traumatisés et maléables à souhait. Car l’aide qu’elle leur apporte n’est pas matérielle, elle est spirituelle. Mère Térésa leur offre un Dieu sur un plateau. Intermédiaire entre les pauvres et la mort, elle empêche les femmes victimes de viol systématique d’avorter, envoie les enfants à l’étranger dans des familles catholiques pour être adoptés. Quant aux autres, ils attendent la mort dans la prière et des conditions d’hygiène plus que lamentables. Les infirmières, soeurs de la charité, ne sont pas qualifiées et pourtant Mère Térésa se charge d’élimer tous ses concurrents. Comme ces médecins anglais qui avaient le très net inconvénient de proposer des traitements contre la douleur !
Catholique avant tout, Mère Térésa sait que le billet pour le paradis ne se gagne pas aussi facilement. Qu’il faut souffrir pour avoir la Rédemption !
Qu’importe, elle continue de fasciner, enroulée dans son sari blanc et bleu. Elle côtoie la misère. Et ça, en occident, on ne l’avait pas vu depuis longtemps. En 1980 elle est à l’apogée de sa gloire. Fière de son prix Nobel, elle voyage aux 4 coins du monde et ouvre pas moins de 468 dispensaires. Mais bientôt la mère se prend les pieds dans le tapis. Des volontaires venues d’Angleterre témoignent sur les conditions inhumaines dans lesquelles sont traités les malades. Mais ces voix ont bien du mal à se faire entendre. À l’exception du film « l’Ange de l’enfer » diffusé sur Chanel four. où le réalisateur nous montre enfin la véritable histoire de cette femme convaincue comme « Marie » de porter toute la détresse de la terre. Bientôt on lui reproche ses prises de position contre le droit à l’avortement. D’autant qu’elle s’élève contre toutes tentatives du gouvernement Indien de planifier les naissances. Ce qui lui vaut d’être l’idole de nos chers provie !
L’enquête réalisée par Anne Sebba nous permet de révéler la vraie mère Térésa une femme pleine de contradiction. Un livre de référence à lire absolument.
LIVRE : Mère Térésa : la face cachée, Anne Sebba, Edition Golias (1997). Prix : 135 F
Paru dans ProChoix n°2 (janvier 1998) »