L’occasion est trop rare pour se priver d’un petit plaisir en réecoutant ici la séance du 12 novembre 1997, au cours de laquelle les députés de notre pays se sont entretenus quelques minutes des droits des femmes…
M. Yves Cochet (Verts). Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Dans quelques jours, à l’appel du comité national pour les droits des femmes, une manifestation aura lieu, à laquelle nous participerons peut-être, les uns et les autres. À ce propos, je rappellerai quelques enjeux et poserai une question. Un des premiers enjeux est la réduction du temps de travail . Même si le travail des femmes n’est pas une nouveauté-les femmes représentent 45% de la population active-on constate une évolution quant à leur rapport à l’emploi, qui est dorénavant marqué par plus de précarité et plus de temps partiel. S’agissant du temps partiel, je ne citerai qu’un seul chiffre : 83% des personnes qui occupent un emploi à temps partiel sont des femmes. On connaît les fluctuations du marché de l’emploi et la manière dont elles frappent davantage les femmes. Je crois profondément que les mesures de réduction du temps de travail, et donc les 35 heures maintenant, et les 32 heures à l’avenir (« bien sûr ! » sur plusieurs bancs du RPR et de l’UDF) sont des mesures authentiquement féministes, procédant d’une politique qui l’est tout autant. Autre enjeu, qui suppose un changement constitutionnel : la parité. Même si votre parti, monsieur le Premier ministre, a, aussi bien que le mien, fait des efforts lors des dernières élections pour présenter plus de candidates; notre assemblée ne compte encore que 10% de femmes. Quelle différence avec les assemblées du Nord de l’Europe ! Nous sommes les avant derniers sur les 15 pays européens ! Quand la parité sera-t-elle réalisée ?
M. Lucien Degandry. Cédez votre siège à une femme !
Yves Cochet. J’en viens à la question précise que je voulais vous poser, ne voulant pas m’attarder sur d’autres enjeux, tels que la lutte contre le proxénétisme, la lutte pour le droit à l’IVG, la lutte pour le partage du temps de travail, qu’il s’agisse du travail professionnel ou du travail domestique, car c’est à ce partage aussi que doivent aboutir les 35 heures. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du RPR) A mon grand regret, il n’y a pas, parce que vous avez voulu un gouvernement resserré, de ministre des droits des femmes.(exclamations sur plusieurs bancs du RPR) Il faudrait au moins une délégation interministérielle pour les droits des femmes. Monsieur le Premier ministre, à quand la délégation interministérielle pour les droits des femmes ! (Applaudissements sur divers bancs du groupe radical, citoyen et vert et sur plusieurs bancs du groupe socialiste)
Mme Martine Aubry, ministre de l’emploi et de la solidarité,. Monsieur Cochet, je suis très heureuse que M le Premier ministre m’ait chargé de m’occuper des droits des femmes. Je partage le souhait qui doit être le même sur tous ces bancs, que la déléguée interministérielle soit rapidement désignée. Les candidatures, nombreuses et brillantes, sont celles de femmes attachées à ce combat. Le 1er ministre sera incessamment amené à arrêter son choix à choisir cette déléguée, et je m’en réjouis personnellement. Monsieur le député, vous avez eu raison de commencer par évoquer le problème du travail et de l’emploi. Si, dans notre pays, nous parlons beaucoup de parité au niveau politique-à ce propos, nous savons comment la gauche a su faire des choix, tout comme le Premier ministre pour former son gouvernement-, nous ne devons pas oublier que le problème majeur auquel sont confrontées nos concitoyennes est celui du travail et de l’emploi. Rappelons que les femmes sont plus touchées par le chômage que les femmes et que, pour la même qualification, leur rémunération est inférieure de 27% à celles des hommes.
M. Jean-Paul Charié. C’est faux !
Mme Martine Aubry. Rappelons aussi qu’à diplôme égal, elles mettent trois fois plus de temps à êtres embauchées et, quand elles le sont, elles sont moins rémunérées que les hommes ! Le CERC vient d’ailleurs de rendre à ce sujet un rapport ce matin. Rappelons encore que les femmes n’ont pas accès à la formation de la même manière que les hommes ! Sur tous ces points, comme je l’ai d’ailleurs toujours fait dans ce ministère, nous allons dans la ligne de la loi qu’Yvette Roudy a fait voter, relancer les grands programmes de la parité professionnelle afin de lutter contre la plus grande des inégalités d’aujourd’hui.
M. Lucien Degauchy . L’AGED !
Mme Martine Aubry. La seconde inégalité touche à la vie quotidienne et personnelle des femmes. Nous y travaillons avec Bernard Kouchner… (« Ah ! » sur les bancs de l’UDF et du RPR) Nous allons lancer une grande campagne sur la contraception, car les jeunes filles n’y ont plus recours aujourd’hui. (exclamations sur les bancs de l’UDF et du RPR) Cela vous fait peut-être rire messieurs de l’opposition, mais c’est un problème grave et très compliqué. (même mouvement) Nous devons aussi travailler sur les violences conjugales et, ainsi que vous l’avez rappelé, faire en sorte que le droit à l’avortement soit dans notre pays un vrai droit. Sur tous ces points nous travaillons actuellement avec le ministre de la santé. S’agissant de la parité, en faveur de laquelle le premier ministre s’est engagé, les travaux juridiques sont quasiment terminés. Quand la déléguée interministérielle sera désignée, nous pourrons, après un travail qui concerne l’ensemble du gouvernement, annoncer les premières mesures. C’est donc sur le champ immense du travail, de l’emploi et de la santé, en passant par la vie quotidienne, qu’il faudra avancer pour que les femmes de notre pays soient traitées à parité avec les hommes dans tous les domaines. Nous avons d’ailleurs demandé, dans la circulaire adressée aux préfets pour les emploi-jeunes, que la parité soit un critère à respecter. (Applaudissements de la gauche)
Paru dans ProChoix n°2 (janvier 1998)
lundi 12 janvier 1998