Tous les défenseurs des droits de la personne savent que le Front national est un parti raciste, antisémite et xénophobe. Sur ces terrains, la frontière est assez bien tracée entre lui et les autres forces politiques du pays. Mais combien sont-ils, ceux qui prennent aussi en compte dans leur lutte contre l’extrême droite son sexisme, avec la remise en cause de droits si difficilement acquis par les femmes, ou son homophobie?
Seulement voilà ! Prenons l’homosexualité, par exemple! Pourchassée par les lois du régime nazi dès 1935, elle est encore aujourd’hui l’exclusion la mieux partagée par l’ensemble de la société car elle est victime de rejets ou de blocages à débusquer y compris chez d’authentiques démocrates. Le FN le sait et en profite. C’est en quelque sorte le maillon faible de la résistance à la remontée de l’ordre moral. Or, il devient urgent que les mentalités changent.
La sauvegarde de la démocratie dépend d’une forte solidarité entre tous les exclus désignés par le FN sans exception. Alors, n’excluons pas à notre tour et ne choisissons pas parmi les victimes potentielles du fascisme de n’en défendre que certaines. Toutes les personnes discriminées et pourchassées par le fascisme doivent jouir du même respect de leurs droits, de leur identité, de leur choix de vie. L’extrême droite sait exploiter la peur de chacun face à la différence de l’autre. C’est donc d’abord sur nos esprits qu’il ne faut pas lui laisser prendre le pouvoir, même si cela doit remettre en question certains fonctionnements de notre société patriarcale ou certains héritages de notre culture judéo-chrétienne. Une urgence de solidarité s’impose tout particulièrement dans notre belle Provence où les attaques contre l’homosexualité se multiplient. Trois exemples récents :
• En 1996, Colette Charlier, professeure de philosophie, diffamée par une lettre sur son lieu de travail, gagne un premier procès contre son auteur, un parent d’élève, militant du FN. Elle reçoit alors une seconde lettre, anonyme, au texte ordurier et menaçant, violemment sexiste, homophobe et antisémite, revendiquée par des amis du condamné. Elle a déposé une deuxième plainte et nous sommes huit associations marseillaises à nous être portées partie civile à ses côtés (Centre évolutif Lilith, Codi, Ldh, Licra, Mrap, Planning familial, Sos Racisme, Snes 13).
• Au printemps 1997, Olivier V., un jeune enseignant homosexuel d’un lycée de Marignane est menacé dans sa carrière par des dénonciations écrites auprès du Rectorat signées : « des parents d’élève de Marignane »… Une campagne de pétitions de soutien a été lancée. • En juillet 1997, Régine Juin, directrice du cinéma « Les Etoiles » à Vitrolles, est licenciée pour avoir refusé de déprogrammer une série de films sur le sida et sur l’homosexualité. Raison : refus d’obéissance ! Elle a assigné son employeur, la mairie, devant le tribunal des Prud’hommes. L’affaire a été reportée au mois de mars 1998. Elle aura aussi besoin d’un large soutien.
Alors, sachant que ce qui n’est pas nommé n’existe pas, la mention de l’homophobie ne doit plus être omise quand nous dénonçons les atteintes aux libertés et aux droits fondamentaux de l’être humain par le FN. Un mouvement prochoix n’est possible qu’à ce prix.
Nicole Sirejean, Centre Evolutif Lilith,
18 cours Pierre Puget 13006 Marseille Tel : 04 91 55 08 61
Paru dans ProChoix n°1 (décembre 1997)